Article 27 : 13 Reasons Why
Série : 13 Reasons Why
Scénariste : Inspiré de Jay Asher.
Créateur : Brian Yorkey
Genre : Drame
13 reasons
why...
En ce moment, Netflix fait fort. Très fort même,
car en plus d’avoir adoré Stranger Things, je découvre maintenant un chef
d’œuvre d’émotion, un drame des plus aboutis. On a beau ne pas vivre aux
États-Unis, on ne peut qu’être touché par ces 13 épisodes se déroulant dans un
contexte « highschool » dont l’intensité finit par atteindre un
sommet unique, le seul film égalant ce tel degré d’émotion pour moi serait Le
Tombeau des Lucioles.
Je vais donc parler de la série dans son ensemble,
sans trop entrer dans les détails, et partager ce qui m’a marqué, et les
réflexions que j’ai pu avoir en regardant la série (qui n’aura eu pour
espérance de vie que trois jours, en pleines révisions de partiels, mais bon).
Je vous conseille fortement de regarder la série avant de lire tout cela, en
prenant des précautions puisqu’elle est assez noire.
Le suicide, thème difficile à aborder, car en lien
direct avec la mort qui fait partie des tabous. J’ai déjà parlé de Virgin
suicide dans ce blog, film déjà assez exceptionnel, mais il ne présente que peu
de points communs avec 13 reasons why.
13 reasons why, c’est un exposé clair et concis de
ce que la période du lycée voire de fin de collège peu avoir de cruel. Et
personne n’est à l’abri, pas même les populaires. Car l’atmosphère qui règne y
est difficilement tenable. Au lycée, on est trop jeune pour faire preuve d’une
maturité suffisante, et on fait souvent tourner le monde autour de soi-même, la
faculté de réellement s’ouvrir aux autres apparaissant plus tard. Mais on est
suffisamment âgé pour savoir faire mal, que ce soit volontairement ou non, pour
comprendre des choses qui nous paraissaient obscures quelques années avant,
surtout, on est dans une période de découverte de notre sexualité. On rentre
dans une époque où les amitiés sont plus solides mais aussi plus rares que
lorsque l’on avait dix ans, où les clans sont d’une importance capitale, et où
l’importance que l’on accorde au regard des autres atteint son maximum.
La série retrace ainsi des évènements, allant
crescendo, qui auront pour effet de causer le suicide d’une jeune fille qui
n’avait pourtant aucune raison de commettre l’irréparable. Elle ne jouait pas
la recluse de la société, elle n’était clairement pas moche. Et pourtant…
Plusieurs thèmes sont abordé explicitement ou
implicitement à travers les 13 épisodes, tels que le sexisme, l’argent, le
consentement, le bizutage, l’éducation parentale et scolaire, et beaucoup
d’autres. Le lycée est une jungle, une jungle où la réputation dont on jouit est
tout sauf stable, puisqu’au moindre faux pas, tout peut s’écrouler pour vous.
Tout le monde juge tout le monde sur tout ce qu’il fait, et il suffit que de
mauvaises personnes prennent connaissance de certaines informations pour que
tout s’écroule du jour au lendemain et que vous héritiez d’une réputation
indélébile. L’effet troupeau n’est jamais loin, et il suffit d’une rumeur qui
s’ébruite pour que tous les moutons la relayent et l’utilisent, alors qu’ils
n’auraient jamais fait cela seuls.
Cette série mets aussi l’accent sur le fait que
tout le monde ne réagit pas de la même manière à la même situation. Les
émotions apparaissent évidemment subjectivement chez chacun. Il est montré
qu’une réaction que l’on pourrait interpréter d’une certaine manière chez
quelqu’un peut signifier quelque chose que l’on n’aurait jamais pu imaginer,
l’exemple le plus flagrant étant la scène où Hannah repousse Clay, qui ne
pourra jamais en comprendre la raison avant d’entendre la cassette.
Et on finit par comprendre d’autres personnes qu’on
pourrait juger trop rapidement, et je pourrais imager cela en parlant de
Justin. Certes il se montre comme quelqu’un d’idiot, et sa cause dans la mort
d’Hanna n’est pas à prouver (précurseur de sa mauvaise réputation, bien qu’il
n’ait pas envoyé la photo à tout le monde, et surtout parce qu’il n’a pu
empêcher le viol de sa propre copine). Mais lorsque l’on voit à quoi ressemble
sa vie, la dureté de ce qu’il doit subir au quotidien avec sa mère célibataire
qui enchaîne les mecs agressifs, tout cela l’affecte sans aucun doute. Et bien
qu’il paraisse toujours dur et con, qu’il se donne une image du mec un peu
violent (lorsqu’il dit « en rigolant » qu’il faudrait tuer Clay) et
cool, on comprend que derrière cette carapace se cache un homme faible, et qui
pourrait lui en vouloir, sincèrement ? Sa faiblesse s’est prouvée à trois
moments, lorsqu’il n’a pas réussi à s’interposer entre Bryce et Jessica parce
que Bryce l’a toujours aidé pour diverses choses grâce à son argent, lorsqu’il
a voulu se suicider, et lorsqu’il n’a pas réussi justement à se suicider devant
l’ampleur de l’acte. Alors oui, rien ne
justifie de laisser quelqu’un de se faire violer, absolument rien, mais malgré
le fait que ce type incarne tout ce que je n’aime pas, je ne peux m’empêcher
d’éprouver de la pitié pour lui plutôt que de lui en vouloir. Si sa vie avait
été différente, tout cela l’aurait été ici.
C’est tout de même une belle image du poids de
l’éducation qui nous est donnée, certes pas aussi aboutie que celle de Virgin
suicides car l’accent y est moins mis, mais suffisamment intéressante pour
pouvoir être remarquée.
Mais passons à autre chose. Ce film nous fait
aimer, c’est sûr. Le héros est attachant, Hannah est sublime (le regard de
cette actrice a quelque chose de magique) autant dans ses répliques que
physiquement, et puis on éprouve tout de même de la sympathie pour ces pauvres
parents qui voient des choses affreuses leur arriver. Bien sûr, on éprouve
forcément de la sympathie pour des personnages tels que Jeff, voire même Jack,
et d’autres dans une moindre mesure. Mais surtout, ce film nous fait haïr, il y
a des protagonistes qu’on ne peut simplement pas supporter, pour ma part ce
seraient Bryce, Courtney, et Marcus (Montgomery aussi, mais il ne fait pas
partie des 13 reasons), mais bien sûr, personne ne peut égaler Bryce. C’en est
presque amusant parce qu’au début il ne joue pas un rôle majeur, il n’est pas
le plus tapageur de ses amis, et pourtant, c’est celui qui se révèlera avoir le
moins de scrupules et d’humanité lorsqu’il violera Jessica à moitié
inconsciente, puis Hannah, cette fois entièrement consciente. Ces scènes sont
révoltantes, pourtant, je suis à chaque fois resté pétrifié devant mon écran,
tellement elles étaient totalement vides d’émotions.
Enfin, il y a cette scène finale, le suicide
d’Hannah. Certains la jugent triste, enfin, extrêmement triste. Je ne vois pas
comment on peut éprouver de la simple tristesse lorsque l’on voit Hanna se
suicider. C’est bien pire que ça. De tout ce que j’ai été amené à voir que ce
soit en matière de séries ou de films, je pense que je n’ai jamais été
confronté à un tel concentré d’émotions. Et c’est d’autant plus impressionnant
que la musique s’il y en a (je ne m’en souviens même plus, j’avais la tête
ailleurs à ce moment là) ne rajoute absolument aucun effet. En fait, la seule
chose que je me souviens, c’est que j’ai eu une envie de vomir devant l’extrême
violence de la scène, autant psychologiquement que physiquement. Un concentré
de dégoût, d’effroi, et oui, de tristesse en dix secondes. Et ce n’est qu’après
avoir fait une pause de dix minutes que j’ai pu reprendre le cours de
l’épisode, Hannah était déjà morte.
Cette série prend aux tripes. Elle est de celles
qui vous accrochent dès le premier épisode, et ne vous autorisent à penser à
autre chose que plusieurs jours après avoir visionné le dernier. Elle n’a
certes pas la poésie onirique de Virgin Suicides, mais dépeint une fresque
pessimiste – mais ne serait-elle pas tout simplement réaliste ? – de son
sujet. L’absence d’Hannah vous est rappelée à chaque saut dans le temps, avec
une simplicité presque ridicule puisque cela consiste en un simple
refroidissement des couleurs, la mort est ainsi représentée tel un voile sombre
qui s’abat sur la réalité. Il y a aussi cette cicatrice, ces blessures que Clay
se fait tout au long de la série, autant de marques indélébiles laissées par
Hannah sur son être.
La beauté de
cette série réside aussi dans le fait qu’elle ne décrive pas un manichéisme
facile, puisque même si elle nous amène à prendre parti pour Clay et Hannah,
chaque personne concernée dans le suicide apparaît sous des jours plus
positifs. Et des erreurs, il n’y a pas un seul personnage qui n’en n’a pas
faite, et la plus grosse erreur reste d’ailleurs celle d’Hanna, celle de se
suicider.
Car ne l’oublions pas, le suicide reste une voie de
non retour. C’est un acte purement égoïste, en plus d’être le symbole suprême
de la lâcheté. Lorsqu’on se donne la mort, on ne pense pas à ceux que l’on
laisse derrière nous, bizarrement, on ne pense même pas à la chance que l’on a
d’être en vie, que l’on s’ôte brusquement, comme si le pouvoir de la mort nous
appartenait. On peut toujours se battre, malgré toutes les épreuves, malgré
toutes les horreurs, malgré toute la pression. Rien ne justifie le suicide, à
quelques cas particuliers près. Et retirer de la satisfaction parce qu’après
notre mort, on saura que des choses se passeront, que les gens se rendront
compte de votre absence, qu’ils auront besoin de vous, qu’ils verront les cassettes
et vous comprendront enfin, c’est petit. Cela peut sembler dur, voire même
cruel, mais le suicide n’est pas une solution, il ne devrait même pas être un
moyen de fuir, son taux est l’indicateur même d’un dysfonctionnement d’une
société.
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