Article 29 : Un jour sans fin
Film : Groundhog day / Un jour sans fin
Réalisateur :
Harold Ramis
Genre :
Comédie romantique dans un cadre fantastique
Les gens peuvent
changer. Ceux qui disent le contraire n’en trouvent simplement pas l’utilité.
Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi (chacun est comme il veut être),
mais accordons nous avant de continuer cet article sur le fait que justifier un
défaut par « c’est comme ça que je suis ça ne changera jamais », c’est
choisir la solution de la facilité. Pire, c’est dire à la personne en face
qu’elle ne mérite pas d’efforts à ce niveau là.
Et Un jour sans fin, plus qu’une comédie,
plus qu’une romance, plus qu’un film du genre fantastique, c’est avant tout
l’histoire d’un homme qui change. Certes, le cadre est particulier, mais
l’évolution est là. D’un homme égocentrique et dédaigneux, on arrive à une
certaine forme de générosité et surtout, de valorisation de l’autre. De plus,
je tiens à saluer la performance de l’acteur principal que j’avais déjà
beaucoup apprécié dans Lost in
translation. Il joue avec élégance ces rôles où la qualité du jeu d’acteur
se révèle primordiale pour porter un scénario.
Mais revenons au pitch
de départ, très simple. Un homme, grandement intéressé par sa propre personne, au
vu de comme il se considère, va assister à un évènement donné : le jour de
la marmotte (groundhog day). Y allant avec réticence, il va être condamné à
vivre la même journée encore et encore, sans moyen apparent d’en sortir…
Et ça, c’est
intéressant, car directement, au bout d’une vingtaine de minutes, on est
entraîné dans l’histoire par un des mécanismes scénaristiques le plus
efficace : se mettre à la place du héros. Le pouvoir donné par le fait de
revivre toujours le même jour est assez impressionnant, et il faut dire que le
film nous transmet bien la plupart des possibilités qui y sont associées. De la
drague facilitée par une prise d’information externe, aux dérives vis-à-vis de
la loi, en passant par les suicides et l’apprentissage de compétences
spécifiques, le spectre est large.
Et si certains
aspects de cette situation singulière pourraient sembler excitants, ils se
révèlent bien vite inintéressants. En effet, ce film nous explique en quoi les
plaisirs ne sont rien comparés au bonheur. Le vice n’apporte que des instants d’adrénaline
qui mit bout à bout ne mènent à rien. Le jeu de la séduction, rendu presque
trop facile, là aussi n’apporte qu’un bonheur très relatif, ne méritant même
pas sa dénomination. C’est pour cela que la première phase d’approche qu’il a
eu avec Rita ne pouvait pas fonctionner, car elle se basait en partie sur un
mensonge de Phil. Pour que le couple existe, il ne faut pas se baser sur de la
séduction pure, mais sur un effort de comportement vis-à-vis de l’autre, c’est
en tout cas ce qui semble émaner de ce film.
En effet, dans
une ambiance de comédie non dissimulée (on narre tout de même l’histoire d’un
présentateur de météo qui se prend pour une star), un message bien plus
percutant se dégage. Apparaissant au début comme une punition, puisque Phil se
voit condamner à vivre une journée qu’il déteste, parmi des gens qu’il méprise,
le fait pour lui de vivre constamment la même journée se transforme en leçon.
Ses sentiments qu’il enfouissait sous un écran de méchanceté que l’on pourrait
qualifier de gratuite, contribuent fortement à le transformer. Prenant d’abord
la séduction de Rita pour un jeu, il va bientôt devoir la considérer plus
sérieusement pour que cela puisse enfin le mener au but rêvé.
C’est le nœud de
tout le film. Ce moment où il va réaliser qu’il tire bien plus de bonheur
lorsqu’il se met au service des autres en les faisant passer avant lui, plutôt
que lorsqu’il se centre sur lui-même. Fait intéressant, avant d’en arriver à
cette conclusion, il lui aura fallu essayer d’affronter la mort pour mettre un
terme à cette torture, et donc de perdre la dernière once d’estime de lui qu’il
avait (car le suicide revient finalement à mettre un terme à toute confiance en
soi). Et la solution est extrême, bien qu’on devine que beaucoup de temps s’est
passé entre cette conclusion fatale et la première fois qu’il s’est rendu
compte qu’il vivait le même jour en boucle. Il faut bien voir que les ellipses
qui nous sont cachées sont nombreuses, et qu’il est vrai qu’il est difficile
d’en arriver à se résigner à cela. Peut-être pas au point d’essayer plusieurs morts
différentes pour tester la solidité de la boucle temporelle, mais probablement
suffisamment pour essayer au moins une fois.
Une fois ce
dernier sacrifice réalisé, un seul sentiment subsiste : l’acceptation. Et
il fait la dernière chose qu’il peut faire : si lui n’a aucune porte de
sortie, peut-être que le bonheur d’aider les autres l’aidera à survivre.
Connaissant exactement chaque moment de besoin dans la petite ville, il navigue
entre chaque endroit pour améliorer la vie des autres, chaque jour. Son emploi
du temps devient chargé.
Autre fait
intéressant, il jouit d’un temps infini, et donc peut profiter de toute la
culture qui lui est mise à disposition. Lire tous les livres qu’il veut, regarder
tous les films et séries imaginables, et surtout, apprendre tout ce qu’il veut.
C’est ce qui se passe avec les leçons de piano qu’il prend. En effet, même si
l’apprentissage d’un instrument, surtout à son âge, peut prendre du temps, cela
est clairement négligeable devant l’éternité dont il dispose. Les possibilités
sont nombreuses, apprendre la sculpture sur glace en est une aussi, et
développer toute sorte de compétences diverses et variées. Et là encore, et de
façon probablement moins niaise et typée morale manichéenne que par rapport au
fait d’aider les autres, on accède à une certaine forme de bonheur, qu’est l’accomplissement
de soi.
Cela nous amène à
la conclusion du film. Où il est devenu « l’homme parfait ». Aimé de
tous, joueur de piano talentueux, homme souriant et sincère, on est bien loin
de la première tentative qu’il a menée afin de séduire Rita. Tout ce qui
pouvait être faux dans sa phase de séduction s’évanouit lorsque cela devient
désintéressé. Le désir, la volonté est toujours la même, mais elle nous est
amenée d’une manière totalement différente. Il n’a pas adapté son comportement
pour Rita, bien que certains choix découlent de son (ou plutôt ses) premier
échec avec elle, notamment en apprenant le piano. Non, il a fait plus que ça,
il a effectué un réel changement de sa personne, qui était certes laborieux, et
dans le cadre d’une histoire n’ayant aucune chance d’être réel, mais il faut
saluer sa pugnacité.
Les gens méritent
parfois que l’on pousse à changer pour eux, préférablement en bien, sans
toutefois travestir qui l’on est réellement. Il est probable que Phil ait simplement
ôté sa carapace d’homme méprisant pour laisser transparaître une âme plus chaleureuse,
mais probablement possédait-il cette chaleur au fond de lui dès le début du
film. Ce film est donc une leçon de vie pour le héros, car les enseignements qu’il
en tire sont évidents, mais est aussi pourvoyeur de message pour nous,
spectateur attentif. Nous n’avons qu’un point de vue (celui de Phil) d’une
histoire d’amour peut-être un peu trop facile à amener, mais cela suffit pour
faire passer un message.
Personne n’a l’éternité
devant lui comme l’a eue Phil. Et pourtant, faire des efforts sur soi, faire
des sacrifices pour les autres sont des qualités rares, souvent noyées dans l’égoïsme
accueillant et facile de notre société. Que ce soit pour les amis, ou pour l’être
aimé, ces efforts sont parfois nécessaires, et bien qu’ils prennent du temps
dont on ne dispose pas forcément, s’ils en valent la peine, il faut les faire.
La récompense au bout nous le fera comprendre. Nul besoin de changer fondamentalement qui l’on est, car
effectivement cela semble impossible, mais un simple effort suffit la plupart
du temps.
Commentaires
Enregistrer un commentaire