Article 24 : Eternal Sunshine of the Spotless Mind
Film : Eternal Sunshine of the Spotless Mind
Réalisateur :
Michel Gondry
Genre :
Une sorte de drame romantique teinté de SF.
Appréciation :
Assez bluffant.
Bon clairement, j’ai vu ce film, et je me suis dit qu’il méritait
amplement sa place ici, bien que cet article sera peut-être relativement court
(ou pas, ça dépendra de mon humeur on va dire). J’ai un peu envie de dire que
tout réside dans le titre : un film un peu étrange (un peu à l'image de son titre), en rapport avec
l’esprit et le bonheur, annonçant implicitement une histoire d’amour. Bien
évidemment, ne lisez pas les lignes qui suivent si vous n’avez pas visionné le
film, et ne perdez pas de temps pour le regarder, à moins que vous ayez en
totale horreur les histoires amoureuses (et encore, dans ce film on est très loin des
déplorables mièvreries du cliché du drame romantique). Mais même dans ce cas-là, regardez-le, l’heure et ses quarante-cinq
minutes ne seront pas perdues, au contraire.
Disons qu’on est bluffé par
plusieurs choses, je commencerai par ce qui donne à ce film le genre de
science-fiction, je parle bien sûr de la possibilité d’effacer la mémoire, où
en tout cas une partie de celle-ci, afin d’en finir définitivement avec quelque
chose qui nous tourmenterait, à tout hasard, une personne dont on serait
amoureux (certes pour l’originalité là-dessus, on cherchera ailleurs). S’il est
vrai que de premier abord faire fi d’un pan de sa mémoire pour s’aider à passer
à autre chose peut paraître très bénéfique, qui n’a jamais rêvé enlever ce
souvenir très embarrassant qui nous nargue et revient souvent hanter nos pensées ?
Cependant, il est assez clair que la mémoire, et donc nos expériences, bonnes
ou mauvaises, définissent qui l’on est. Si l’on se souvient d’échec, c’est pour
mieux réussir par la suite. Si certains souvenirs nous mettent mal à l’aise,
ils nous forcent à mieux gérer l’instant présent, et si en plus il faut se
débarrasser de certains souvenirs de moments de bonheurs, la question ne se
pose alors même plus. Néanmoins, sous l’impulsion, il pourrait être tentant de
faire appel à ce genre de procédé, bien sûr peu envisageable actuellement
(quoique je ne dirai pas impossible, loin de là). D’ailleurs ce n’est pas la
première fois qu’un film traite ce genre de sujet : il est impossible de
ne pas avoir une petite pensée pour Total Recall, même si les deux films n’ont
en commun que cette manipulation de la mémoire.
Bref, la mémoire fait de l’homme
ce qu'il est, et en plus il serait idiot de vouloir s’attaquer à elle
directement puisque qu’elle bénéficie elle-même d’une capacité à sélectionner
les informations les plus pertinentes. Ce qui reste dans votre esprit à une
utilité, et pas seulement celle de vous faire sentir mal quand le souvenir
revient pour certains. Et puis, même si la souffrance peut-être alors dure à
supporter, je citerai un adage très connu et non moins dénué de sens : ce
qui ne tue pas rend plus fort. Être confronté à un désespoir amoureux ou à une
grande désillusion vous amènera à vous remettre en question, et à mieux supporter
les épreuves que la vie garde en réserve. Si on supprimait de notre mémoire
tous les « mauvais souvenirs », nul doute que nous en serions bien
plus facilement fragilisés et atteints par nos déceptions. Si on a été doté d’une mémoire très performante, il
y a une raison.
Mais n’allons pas plus loin pour
cette première partie, simplement parce que ce n’est peut-être pas la plus
intéressante. Parlons de ce simili-twist. J’ai vu le film en deux fois (pas à
cause de l’ennui mais j’ai été interrompu) et je l’ai vu en étant un peu
fatigué, ainsi, je n’ai pas du tout remarqué le fait que les premières scènes de la
rencontre entre Clémentine et Joël étaient en fait celles de leur deuxième
rencontre, après la perte de mémoire. Je ne l’ai donc réalisé qu’à la fin,
quand le film reprend là où il s’était arrêté dans cette deuxième rencontre.
Mais il faut dire que c’est plutôt bien amené vu que les scènes où l’on voit
leur toute première rencontre se déroulent dans une sorte de rêve qui est en
train de s’autodétruire, et donc même si le contexte de cette première
rencontre est différent de celui qu’on voit au tout début, les similitudes
laissent planer le doute, jusqu’à ce qu’on réalise vraiment ce qui s’est passé.
Et cette sorte de twist,
extrêmement bien amené, fait vraiment un coup au cœur quand on réalise ce qui
s’est passé : deux personnes sont tombées amoureuses l’une de l’autre deux
fois. Même après avoir complètement oublié jusqu’à l’existence de leur
compagnon, ils retombent dans le même cercle vicieux (qui les mènera
probablement une fois de plus à la lassitude). Malgré l’oubli de tous les
souvenirs explorés lors des scènes présentant le subconscient de Joël, ils vont
recréer la même passion décadente qu’ils ont embrassé la première fois. C’est
aussi un moyen assez original de mettre en valeur le fait qu’un couple ne puisse durer que par une conquête constante de l’autre, il faut que régulièrement il
retombe amoureux afin que le sentiment initial perdure et ne s’efface pas avec
le temps. Plus qu’une légende, les « trois ans » de vie heureuse, ou
plutôt les trois ans de passion aveugle (l’adjectif n’étant ici pas du tout
péjoratif, au contraire), sont clairement mis en valeur dans ce film, au point
que pour se débarrasser de ce passé gênant, Clémentine ira jusqu’à effacer
cette période de sa mémoire, et Joël la suivra dans cette voie. Peut-être
est-ce une façon détournée de nous dire que si nous voulons faire durer le
caractère passionnel de l’amour le plus longtemps possible, la solution est de
tout oublier encore et encore, pour retomber amoureux à chaque fois et
réinitialiser ces trois ans. On a là une belle illustration du pouvoir que la
mémoire a sur notre esprit (si toutefois on peut différencier les deux), car
celle-ci nous poussera à changer nos sentiments pour la personne au cours du
temps, amenant une sorte de saturation de cette personne. Je précise que je parle
toujours de l’amour par son aspect passionnel, encore heureux que des couples
peuvent durer toute une vie en préservant l’amour de l’un pour l’autre. Mais
cela montre bien que cette forme de l’amour relève plutôt de l’instinct animal
de l’homme, si j’ose dire, assez différente d’un amour qui se rapproche de
l’amour platonique. Souvent, les relations les plus belles et les plus solides,
selon moi en tout cas, sont principalement alimentées par ce dernier, qui
entretient alors l’aspect passionnel de l’amour.
Mais nous ne sommes pas là pour
tergiverser là-dessus. On pourra ainsi noter, et c’est assez intéressant, les scènes d’une frustration immense où l’on
entend la voix, d’abord de Clémentine exposant tous les défauts de Joël, puis
de Joël faisant de même avec Clémentine. Et on se demande presque pourquoi ils
n’arrêtent pas tout de suite l’enregistrement. Mais en plus du fait évident
qu’ils veuillent savoir pourquoi ils en sont allés jusqu’à manipuler leur
mémoire de la sorte, c’est aussi au-delà de l’histoire, pour montrer à quel
point il est difficile d’être confronté à ses défauts. Défauts qui ressortent
d’ailleurs au bout d’une relation suffisamment longue. La gêne que l’on ressent
alors à l’énumération d’abord hésitante, puis complètement naturelle des
défauts de l’autre est en fait due au fait que l’on réalise en même temps
toutes nos imperfections que nous essayons tant bien que mal de cacher. Et bien
que ce rabaissement des deux personnages est difficile à subir tant on ne
souhaite que leur réussite, dans une optique réaliste, cela ne fait que
renforcer le lien qui les unit, car bien qu'ils sachent tous deux que
leur relation mène à une impasse certaine, ils préfèrent aller au-delà de cet
aspect inévitable, pour profiter d’un bonheur certes éphémère, mais intense.
Concluons sur l’intrigue
secondaire qui lie la secrétaire Mary au docteur qui semble à l’origine de la
société proposant l’effacement de parties de la mémoire. Apparemment, ils ont
dû procéder à un effacement de la mémoire de Mary qui était tombé amoureuse de
son patron, homme marié qui voulait éviter toute complication. Malgré tout, une
fois de plus, ce n’est pas en effaçant la mémoire qu’on empêche de retomber
amoureux (ce qui paraît logique, le coup de foudre n’a absolument rien à voir
avec la mémoire). L’histoire s’est répété, et pour une raison douteuse, la
femme s’est méfiée de la sortie nocturne de son mari (alors qu’il peut être compréhensible
qu’il parte pour le travail, mais vu le passé qu’il a eu avec Mary, c’est
peut-être justifiable). Ainsi, Mary finit par apprendre la supercherie et
ressent une frustration immense, montrant que le meilleur moyen de supprimer le
sentiment amoureux est encore de mentir à la personne qu’on aime, le fait de se
sentir trahi étant une des pires choses que l’on puisse ressentir. La
« morale » du film est donc simplement de nous dire que si on peut
être tenté, par la même impulsion qui guide Clémentine, d’effacer des souvenirs
douloureux de la mémoire, et plus particulièrement pour des amours déçus, ce
n’est jamais la bonne solution car on finira par le regretter : on voit
bien que Joël s’est rendu compte qu’il éliminait certes des souvenirs douloureux,
mais aussi des moments de bonheurs qui ont donné pendant un temps un véritable
sens à sa vie.
Et c’est tout pour ce film, que
j’ai vraiment trouvé agréable à regarder et plein de sens, on rajoute de plus à
ça que les acteurs sont excellents, en plus il y a Frodon Sacquet (c’est
bizarre de le voir dans un autre rôle d’ailleurs), donc rien à redire !
J’espère que vous avez apprécié cette modeste revue, et j’espère réécrire bientôt pour vous
reparler d’un autre film !
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