Article 25 : Retours sur quelques films de Miyazaki
Retours sur quelques
films de Miyazaki
Un petit article qui ne s’inscrit pas sur un seul
film, mais plutôt sur plusieurs issus d’un même réalisateur. La raison est
simple : tous ses films (en tout cas tous ceux que j’ai vu, je n’ai pas
encore fini), ont des messages, et ont largement matière à être regardés un peu
plus en détail sur ce blog. Du coup, j’ai décidé de faire une revue générale de
ce (génial) réalisateur. Je précise que je me limite aux films suivants, qui
seront savamment spoilés :
- Nausicaä de la vallée du vent (1984)
- Le château dans le ciel (1986)
- Princesse Mononoké (1997)
- Le voyage de Chihiro (2001)
- Le château ambulant (2004)
Non parce qu’en matière d’animation, on dira ce
qu’on voudra, mais les japonais sont meilleurs que nous. Bon, clairement j’aime
beaucoup Pixar, mais ce qu’on pourrait leur reprocher, c’est qu’ils restent
trop dans le politiquement correct pour vraiment dénoncer certaines choses, et
donc ils s’appuient plus sur des belles valeurs de l’être humain (qui n’en sont
pas moins réelles). De l’autre côté, chaque film de Miyazaki est vraiment
porteur d’un message assez perçant sur notre société. De plus, les héroïnes,
allant de la petite fille du voyage de Chihiro à la jeune femme du château
ambulant, évoluent souvent dans une sorte de dystopie. Et c’est justement par
le biais de ces jeunes héroïnes que nous auront un point de vue vierge sur
cette constante déchéance de l’humanité. C’est d’ailleurs ce qui fait que ces
films puissent être visionnés même lorsque l’on est jeune et que l’on n’y
comprend pas forcément tous les tenants et aboutissants. En plus du fait
évident que les films d’animations sont souvent plus accessibles au jeune
public.
Quelque chose que
l’on retrouve dans nombre de ses films, c’est probablement cet attrait morbide
qu’ont les humains pour la guerre. Et chaque fois, cette attirance se traduit
par une destruction du spectateur de toutes ces attaques : la nature.
C’est typiquement ce qui arrive dans le château ambulant, où en détruisant les
villes alentours, les vaisseaux volants rasent toute la nature environnante,
allant jusqu’à détruire le havre de paix qu’Hauru s’était construit pour se
ressourcer. Il n’y a pas un film où je ne me suis pas dit « Quel
gâchis ». Bon, peut-être le voyage de Chihiro, mais lui il est un peu à
part. Très clairement, on se demande parfois pourquoi on en est allé jusque là.
Dans Princesse Mononoké, il y a toute une guerre affreuse où le but est de
récupérer la tête du dieu-cerf, ravageant par la même occasion la nature, cette
dernière ayant la fâcheuse tendance de se rebeller contre ses agresseurs ;
c’est l’objet du début du film où Nago a tout piétiné sur son passage, et
inocule la maladie à Ashitaka.
C’est d’autant
plus visible dans Nausicaä, où tout le paysage environnant s’est mué en un
enfer pour l’humanité, cette dernière l’ayant apparemment bien cherché puisque
cela est l’œuvre de titans ayant apparemment une puissance de feu défiant
l’imagination. La société dans laquelle l’intrigue évolue est donc bien proche
de ce que pourrait être la nôtre après le largage de certaines bombes. On
pourrait d’ailleurs penser que ces titans sont la métaphore des bombes qu’a
produit l’humanité lors de son existence, les massacres d’Hiroshima et de
Nagasaki ne sont pas si loin, c’est à peine quarante ans plus tard que le film
sort. Et au milieu de tout ça, la nature parvient à survivre, à cela près
qu’une forêt évoluant inexorablement où des spores toxiques dénient tout accès
à l’humanité. Cependant, quelques insectes parviennent à survivre, à cela près
qu’ils sont bien plus gros que ceux auxquels nous sommes confrontés. Ainsi,
cela met l’analogie entre les spores toxiques et la radioactivité encore plus
en valeur.
Le fait est que
les humains, plutôt que d’apprendre de leurs erreurs et de tenter de vivre
paisiblement avec cette nature, comme le fait la tribu de Nausicaä, vont plutôt
choisir de combattre à tout prix cette nature une fois de plus. Et ils vont
donc réutiliser leurs bombes, pardon, leur géant de feu pour assainir la Terre
de ces insectes géants. Oui, sauf que ces insectes ne sont là que parce qu’ils
ont été provoqués, ils n’ont pas de velléités particulières envers l’homme au
début. La nature ne fait que se défendre face aux agressions. Mais si on la
traite moins durement – comme le fait Nausicaä – elle n’a aucune raison de se
montrer sous un jour aussi mauvais. D’ailleurs, on apprend au cours du film que
les vapeurs toxiques dégagés par la forêt ne sont que les retombées de la
pollution anciennement causée par les humains, et ne sont donc que la
conséquence logique de tant de négligence, puisque la forêt ne fait qu’essayer
de drainer la pollution, et donc de réparer les erreurs humaines. Bilan ?
La nature ne nous veut que du bien, du moment qu’on ne l’harcèle pas sans
relâche. C’est dommage, car à notre époque, le message ne semble pas assez
clair pour être bien compris par tout le monde.
Mais réduire les
films de Miyazaki à des fables écologiques ne serait que prendre un seul fruit
de l’arbre d’idées qu’il nous propose. Tenez, par exemple, prenez le fait que
l’humanité soit constamment à la recherche de richesses, et prenez deux films,
que sont le château dans le ciel, et le voyage de Chihiro. Dans le premier, on
contemple (je n’exagère pas, c’est beau) l’île qui flotte dans les nuages, au
dessus de la mer avec les deux héros, le vrai trésor, puis on entend la
première explosion. Trop tard, tout va être perdu. Et pour quoi au juste ?
De l’or et des bijoux pour les plus matérialistes (au passage, l’armée ne
reçoit pas vraiment un traitement de faveur de la part du réalisateur, est-ce
surprenant ? non), mais aussi le pouvoir pour l’héritier de Laputa. Alors,
c’est bien mais, le pouvoir de quoi au juste ? Non parce que j’ai beau
chercher, passer sa vie dans une salle de commande, même si on peut raser
l’humanité, ce n’est pas vraiment une fin en soit... C’est paradoxal cette
envie de pouvoir de l’être humain quand même, puisque le prix à payer en est
souvent tellement élevé que ça en ôte tous les avantages…
Dans le voyage de
Chihiro, si tout le monde va être attiré par l’or produit par le Sans-Visage,
ce dernier n’arrivera pas à faire flancher l’esprit de la jeune Chihiro. Car si
tous ses pairs seront attirés par l’appât du gain, de l’argent, elle ne
souhaite que la liberté. Ah ! L’esprit pur de la jeunesse, pas encore enclavé
par ce démon sans-visage qu’est l’argent (et encore)… Innocence de la jeunesse
apparemment éphémère, puisque les parents semblent déjà extrêmement préoccupés
par tous les problèmes en rapport avec leur déménagement, et qui en se
sustentant goulûment au début du film nous montre déjà qu’ils ont passé l’âge
d’être libérés de leurs chaînes comme Chihiro pourra l’être par la suite. Pour
revenir à l’argent, ce dernier ne peut cependant pas tout acheter, l’amitié et
l’amour sont des valeurs qui subsistent au dessus de tout ce matérialisme.
Argent qui ne fait qu’accroître la colère et l’envie ressenties par le
Sans-visage, qui appréciera finalement son retour à une vie plus
« normale » (j’ai du mal à utiliser le concept de normalité pour un
réalisateur qui nous montre que tout ce que nous trouvons normal est
complètement aberrant).
Autre chose,
cette manie qu’on a de nous faire la guerre. Mais pourquoi, juste,
pourquoi ? On frise le comique à la fin du château ambulant, où Madame
Sulliman a un soudain éclair de lucidité « tiens, mais au juste, pourquoi
je fais la guerre moi ? C’est tout de même pas très moral ». Toujours
présente, souvent par le biais de vaisseaux volants à la physique un peu
déjantée, on est toujours accompagné de cet incessant questionnement : pourquoi ?
Sérieusement, pourquoi tout ça ? Qu’est ce que ça vous apporte ?
Absolument rien. D’ailleurs, cela apporte autant dans un monde imaginé que dans
le monde réel… Mais bon, on pourra parler de la nature humaine un autre
jour. Après certes, c’est caricaturé, et puis, on se rend compte que pas tant
que ça au final.
Qu’y-a-t-il à
rajouter… Ah oui, il n’y a que moi que ça choque de voir un enfant travailler
dans le château dans le ciel ? C’est peut-être la chose qui manque le plus
à la filmographie de Miyazaki, on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent
du côté de l’éducation. Souvent, les enfants sont laissés libre de faire ce
qu’ils veulent, Nausicaä devient orpheline, Sheeta est orpheline, Pazu est
orphelin, Sophie a perdu son père, aucune apparition des parents d’Ashitaka,
même pas besoin d’en parler pour Mononoké, seule Chihiro a ce luxe d’avoir ses
parents, et encore, vu ce que la fait devenir le film, l’entrave est tout de
suite écartée. On pourrait voir cela comme une solution de facilité, en effet,
finalement, avoir des parents c’est être interdit à des aventures aussi
dangereuses. Souvent que ce soit dans les livres ou dans les films, on se
débarrasse de cette limite pour donner les pleins pouvoirs au héros, qui peut
alors enfin s’émanciper de l’emprise de ses pairs et adopter un point de vue
objectif sur le monde dans lequel il évolue. Alors oui, on pourrait voir cela
comme une solution de facilité, mais aussi comme une mise en situation tout à
fait logique : comment faire adopter au monde un nouveau point de vue
alors que l’on a été éduqué par nos parents pour suivre un chemin relativement
tracé (à quelques bifurcations près évidemment), l’école étant un moyen de
faire perdurer le moule qu’est ce chemin. Mais bon, j’aurais aimé qu’il s’attaque
un peu plus à cet aspect là qui fait de l’homme une espèce à part, l’éducation
donc… Peut-être est-ce plus présent dans d’autres films qu’il a réalisés ?
Je verrai cela.
Je m’arrête ici,
conscient que tout n’a pas été dit (notamment sur l’intérêt de transformer
Sophie en vieille dame et de voir l’évolution psychologique qui s’ensuit, la
discussion de la morale lorsque l’on voit dans le château dans le ciel ce sont
les bandits qui s’en sortent le mieux, puisqu’ils montrent une première forme
d’échappée à l’emprise de la société, beaucoup de critiques provenant du voyage
de Chihiro, quelques réflexions sur la place des femmes notamment dans Princesse Mononoké, etc…), et c’est tellement dur que je suis obligé de vous caser une
parenthèse de cinq lignes pour bien vous montrer que oui, on pourrait en
écrire encore beaucoup ! J’espère que ça vous a plus, moi personnellement,
comme d’habitude, j’ai adoré, et encore plus parce que traiter cinq films aussi
complets en même temps, ça ne laisse pas la place à la page blanche. Mais il
faut dire que ces films d’animation m’ont tous emporté dans une humeur rêveuse,
et ont chacun un sens propre que beaucoup de films du genre pourrait leur
envier. Au passage, énorme point positif pour la musique, parce que qui dit
excellent film dit excellente musique, et ces cinq là n’échappent pas à la règle.
En plus c’est du piano, donc encore mieux puisqu’on peut trouver les partitions
sur internet…
Bref, je m’égare. Bonne soirée, et j’espère à
bientôt.
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