Article 26 : La la land
Film : La la land
Réalisateur : Damien Chazelle
Genre : Comédie musicale / romantique
Une petite
critique sans prétention, qui n’a pas vraiment vocation à relancer ce blog,
mais que j’avais simplement envie d’écrire. Je viens de remarquer que je la publie un an, jour pour jour, après le dernier article du blog... Mais venons en au vif du sujet.
Autant le dire
tout de suite, La la land fut pour moi un concentré de bonheur, une pastille de
joie à la fois drôle et touchante, peut-être pas un chef d’œuvre, mais sans
conteste un film qui fait ce qu’on attend de lui : transmettre des
émotions, et fournir une belle immersion au spectateur.
La première scène
est digne des comédies musicales à l’ancienne, mais n’affiche pourtant pas le
ton qui sera adopté pendant tout le reste du film. Toutefois, la musique y est
entraînante, et fait bien la scission entre le monde qui est le nôtre, et celui
de La la land. Puis on en vient aux différentes scènes d’introduction, plus ou
moins intéressantes, mais là n’est pas l’intérêt.
L’histoire
commence lorsque les deux personnages principaux se rencontrent. A partir de
là, ce seront trois thèmes qui se découperont du long-métrage. La musique
évidemment, mais aussi une réflexion (bien que sommaire) sur les projets/rêves,
et enfin, sans surprise, un amour pur. Enfin, disons pour le moins, sensé être
pur.
C’est là où je ne
peux pas être impartial sur cette histoire, tant ces trois aspects me plaisent
énormément lorsqu’ils sont abordés. Pour la musique, c’est assez simple. Il y a
un tiraillement entre ce que le pianiste souhaite jouer, et ce que les autres
le souhaiteraient voir jouer. Bien que j’aie un niveau proche du nihilisme en
matière de Jazz, je comprends sans problème les difficultés qu’il rencontre,
tant pour plaire aux autres la musique semble être une série de sacrifice. Mais
pas que, puisqu’à la fin, Sebastian arrive tout de même à jouer ce qu’il aime,
bien qu’il ait laissé de côté la célébrité dont il avait la possibilité de
bénéficier avec son groupe, mais où il prenait nettement moins de plaisir.
Cette
problématique est posée dès le début, probablement représentative d’un monde où
la musique rencontre de nombreuses barrières empêchant la création, voire même
la réalisation de soi, car dictée par des volontés constamment changeantes,
représentatives d’une société régie par la consommation. La première partie du
film, où Sebastian joue des chants de noël d’un ennui mortel, sans possibilité
d’improvisation, le tout sous l’œil critique de son chef. Le fait que ce
dernier soit joué par l’acteur du prof dans Whiplash est d’ailleurs assez
amusant, tant son rôle passe de perfectionniste absolu quel qu’en soit le prix
(Whiplash), à celui d’une personne cherchant simplement à gagner sa vie, sans
ressentir un besoin d’originalité, ou même de musique (La la land). Bref, cette
scène est géniale dans le sens où elle donne l’image d’une société où
l’innovation semble proscrite, tant tout semble être régi par le diktat des
autres. Et toute l’histoire sera pour Sebastian un combat dont il ressortira
finalement vainqueur. Puisque comme lui dit si bien Mia, tant qu’il y a de la
passion dans ce que l’on cherche à partager, il y aura toujours des gens pour
venir voir.
Et au pire, fuck
them all (le credo de Sebastian, qui a du mal à s’y tenir à cause du besoin
évident d’argent pour vivre). Après tout, on n’a pas besoin de l’approbation de
tout le monde pour vivre, tant que l’on est aimé par les personnes qui comptent
le plus pour nous.
Je pourrai passer
plus de temps à décrire tout les tenants et aboutissants de cette petite
réflexion sur la musique, mais gardons en pour la fin. Deuxième aspect
important donc, le fait de croire en ses projets. On va cependant y aller avec
des pincettes : ce thème est extrêmement récurrent dans les films, de tout
genre d’ailleurs (du dessin animé à la science-fiction, en passant donc par la
comédie musicale). La raison pour laquelle je l’aborde ici est parce que je
trouve qu’il est bien traité, notamment cette fois, par rapport au personnage
de Mia.
La réussite dans
tous les domaines artistiques est de nos jours rendue extrêmement complexe. En
effet, nous vivons dans une société nous amenant à constamment rêver, à voir
nos ambitions à la hausse, à se trouver une place la plus satisfaisante
possible. C’est bien, mais cela pose incontestablement un gros problème :
celui de la concurrence. Comment classer une horde de personnes aspirant toutes
à la même chose ? Le complexe de l’américaine serveuse rêvant à devenir
actrice est extrêmement cliché (au hasard, Penny dans The Big Bang Theory),
mais montre essentiellement une chose : percer est une affaire de volonté
autant que de confiance en soi.
Mais est-ce tout
ce qu’il faut ? Après tout, beaucoup d’artiste combinent les deux, c’est
sûr que lorsqu’on en perd un, il n’y a plus vraiment d’illusion à se faire.
Cependant, ce que peut nous apprendre le parcours de Mia, si on l’exempte de
tous les clichés qu’il véhicule, c’est bien que l’audition où elle réussit a
finit par arriver. Et lors de cette audition il y a eu plus qu’une simple volonté,
et même un montant de confiance en elle qui ne crevait pas le plafond. Appelons
cela comme on veut, je lui donnerai le nom de transcendance, appliquée à la
création. Un moment où la seule chose qui nous porte n’est pas la logique qui
nous poursuit dans notre quotidien, mais l’essence de l’esprit humain, doté
d’une infinie créativité. Un moment sans fil directeur, où l’on se raconte
quelque chose sans en connaître la trame, où l’on peut en arriver à se
surprendre soi même, et ainsi à taper dans l’œil des gens qui nous jugent. On
n’observe pas cela que dans le milieu de l’acting, on le voit aussi dans la
peinture, dans l’écriture, et bien sûr, dans la musique (c’est d’ailleurs
probablement dans ce domaine que c’est le plus visible).
Avoir des rêves
ne suffit pas (contrairement à ce que beaucoup de films semblent dire), le tout
réside dans une chose : plutôt qu’essayer de les matérialiser en les
adaptant à la réalité, il faut les faire vibrer à travers notre corps sans les
filtrer. Ou avoir de la chance, bien évidemment, mais c’est nettement moins
beau à dire, vous en conviendrez.
On en arrive
ainsi au dernier thème, davantage présent que le précédent : l’amour qui
unit les deux personnages. Bon pour le coup, de l’amour, on en a à toutes les
sauces, que ce soit dans le cinéma hollywoodien, ou dans celui de n’importe
quel nationalité. J’aime à croire que dans La la land, c’est un peu différent.
L’histoire est bien amenée, avec une vision accélérée du mode de fonctionnement
actuel de la séduction, consistant à ne pas montrer que l’autre plaît. Les
répliques sont d’ailleurs bien huilées, s’enchaînent bien. Puis l’histoire
prend rapidement forme.
Il y a une chose dont je veux d’abord parler, assez
rare dans un film américain pour être remarquée : il n’y a aucune scène de
sexe, absolument aucune, même pas suggestive, ou quoi que ce soit en rapport.
Et je trouve ça bien pensé. On vit tout de même dans une société qui pousse la
sexualisation dans énormément de médias (internet en premier, mais le cinéma
n’est pas en reste, tout comme la plupart des autres moyens d’expression,
qu’ils soient artistiques ou non). Alors, c’est sûr que tous les films
comportant une trame romantique ne présentent pas forcément ce genre de scène,
je fais probablement de la généralisation, mais c’est quand même assez rare
pour être noté. D’ailleurs, le pinacle de leur relation se situe dans un simple
baiser, pas besoin de chercher trop loin pour que l’émotion soit transmise.
Ce que j’aime
dans la façon dont cette histoire d’amour est dépeinte, c’est que c’est
probablement la vision que le réalisateur en a qui y transparaît. Tout y est
intense, mais bref. Apparemment, la volonté d’aller au bout de ses projets est
plus forte, ou du moins trop contraignante. Le couple se brise une première
fois à cause de ceux de Sebastian, puis manque de se reformer à cause des
autres de Mia. Mais après tout, peut-être est-ce mieux ainsi. Ils n’auront pas
eu à subir tous les problèmes qui peuvent survenir d’une vie de couple
prolongée. Ce qu’ils ont vécu a été court mais apparemment d’une intensité
rare. Chacun était un catalyseur pour les projets de l’autre, Sebastian en
encourageant tout le temps Mia malgré les doutes grandissant qu’elle nourrit
par rapport à son talent, et Mia en adhérant totalement au jazz, et en calmant
les ardeurs irréalistes de Sebastian (notamment par rapport au nom de son
supposé bar).
Et puis cet amour
vibre à travers la musique, il n’y a qu’à voir la scène où les deux chantent
city of stars alors que Mia rentre, ou leur complicité apparaît comme évidente,
tandis qu’un excellent repas au milieu de sa tournée n’aura pas du tout le même
effet. La musique, c’est le liant, les envies de projets, c’est le carburant.
Ainsi, lorsque la musique a fait place à quelque chose de plus commercial, et
que les projets viennent à se concrétiser, la magie n’opère plus, ou en tout
cas, elle opère moins, car ils restent tous les deux amoureux l’un de l’autre.
Mais s’agit-il de la même forme d’amour que celle du début ? Probablement
pas, car le temps est passé, tous deux sont sortis de leur stade précaire dans
lequel ils étaient, et ainsi le contexte n’est pas le même.
Finalement, les trois principaux constituants du
film sont remarquablement bien avancés, et même si cela pourrait paraître trop
optimiste pour certain, cela ne fait pas de mal. Pour terminer, concluons
chronologiquement : parlons de la fin. Le fait que le couple finisse par
ne plus fonctionner et se séparer aurait pu se passer d’une manière différente,
celle qui est présentée dans la fin alternative : Sebastian accepte de
créer son bar à Paris, et peut suivre Mia, et tout ce que cette dernière a pu
construire avec son nouveau mari (dans la réalité) le fait cette fois avec
Sebastian. Cette partie du film peut être considérée comme décevante, dans le
sens où elle se conclut simplement sur ce dernier regard lourd de sous-entendus
que partagent les deux personnages principaux, et sur rien d’autre. Le couple
ne se reforme pas, chacun a vécu son rêve de son côté, grâce à l’impulsion de l’autre,
c’en est presque frustrant.
Tout est dans le presque. En fait, ce n’est peut
être pas plus mal que l’on n’arrête pas tout sur un happy ending, après tout,
il y a le retour à la réalité après qu’on ait été transporté dans le monde
fictif de Damien Chazelle, et ce retour, il faut bien le préparer à un moment.
Après, c’est vrai que l’on peut avoir un petit arrière goût de déception
lorsque l’on voit à quoi nous a habitué le réalisateur par rapport à son film
précédent, où la scène finale était vraiment intense et exceptionnelle. Là, c’est
presque plat, mais c’est un autre genre de film, et ça ne ruine pas tout ce qui
a été mis en place juste avant, c’est simplement que cette fin ne présente pas
d’éléments supplémentaires qui pourraient nous faire adorer le film.
Bref, j’ai passé un beau moment à regarder et écouter
ce film, et j’avoue que ce n’est pas tout le temps qu’on sort de la salle avec
un sentiment de bonheur aussi exacerbé. Seuls les meilleurs films arrivent à
laisser les spectateurs avec des émotions même après le visionnage, et La la
land en fait incontestablement partie.
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