Article 6 : Edward aux mains d'argent



Film : Edward aux mains d’argent

 

Réalisateur : Tim Burton
Catégorie : Fiction
Possibilité : Créer un être humain conscient à partir de rien semble au moins aussi complexe que d’imaginer l’existence d’une telle ville.
Note : 9/10,  voire 8 en restant plus personnel, car on a quand même beaucoup d'incohérences. Mais cela reste un film culte et très agréable à regarder, c’est juste qu’il vieillit un peu !

               
                 J'ai donc choisi aujourd'hui de m'attaquer à une fiction plutôt qu'à un film complètement décalé ou irréel. Et on y découvre que l'on a pas besoin d'aller chercher bien loin pour trouver matière à réfléchir, et j'ai pu m'amuser ici notamment en dénonçant les abominations dont l'homme peut être l'origine. Il y a matière à réfléchir sur la différence, aussi. Le tout sans manquer de petits passages sentimentaux. Merci de faire attention aux spoils qui vont suivre, comme d'habitude.

             Le cadre est pour le moins déroutant de prime abord. Une sorte de banlieue isolée de la ville surplombée d’un manoir sinistre et abandonné de surcroît. Tout paraît trop surfait, la vendeuse qui sonne à chaque porte en sachant qu’elle à l’air de faire les mêmes personnes à chaque fois, les voisines qui sont un peu étranges (surtout la …, fin celle qui paraît un peu fofolle quoi), une fanatique qui joue de l’orgue chez elle (que Peg a prit soin d’éviter d’ailleurs). Bref, chaque profil différent d’humains y est présent. On imagine bien une commère (le fait de voir quelqu’un avec Peg a remué tout le monde) dans la banlieue : On ne peut plus classique. Et puis même l’agencement des maisons a quelque chose d’étrange. Peut-être n’est-ce que moi qui imagine cela à cause du fait que le film commence à devenir un peu vieux.

                L’histoire de l’inventeur (finalement ce qui est le moins réaliste) est passée en partie sous silence, on le voit seulement au moment où il éduque sa « création » en lui apprenant comment il doit répondre, les formules de politesse, bref,  comment fonctionne le monde qui va l’entourer.  Je n’ai toujours pas compris pourquoi Edward avait une tête aussi sinistre : Un teint très pâle et des cheveux en bataille ce qui lui donne un air assez effrayant, bien que non dénué de mélancolie. Les cicatrices ajoutent encore à l’étrangeté du personnage, mais là l’explication en est presque trop facile, car une fois qu’on a vu ses mains, on peut concevoir qu’il se soit mutilé, c’en est même étonnant qu’il ait encore ses deux yeux en bon état ! Pour en revenir aux lames de métal, j’ai tout de même du mal à comprendre la raison qui a poussé l’inventeur a commencer à lui mettre des lames / ciseaux à la place de doigts. On pourrait croire que c’est parce que c’est difficile de refaire toutes les articulations, mais par rapport à la création d’un cerveau et d’un cœur, je pense que c’est une promenade de santé, surtout qu’il a l’air d’avoir de vrais pieds (ce qui est sensé ressembler aux mains n’est-ce pas ?). Enfin bref, disons que sans cela, il n’y aurait pas eu de film.
                Dès le début du film donc, on suit les hasardeuses ventes de Peg, qui en va jusqu’à visiter un manoir considéré comme abandonné pour améliorer son chiffre d’affaire. Les chances pour que quelqu’un la reçoive étaient déjà plutôt minces, celles pour que l’ermite vivant dans le manoir veuille acheter des cosmétiques (bonne blague quand même, les cosmétiques ayant pour but d’améliorer l’apparence, en offrir à quelqu’un qui ne se montre jamais, c’est un peu inutile) en sont quasiment nulles. On va de surprise en surprise vu que Peg accepte d’amener Edward chez elle avec sa famille. Donc si je comprends bien, elle va dans une maison abandonnée sinistre, avec un parc royal à l’intérieur (contradiction numéro 1) qui a l’air d’être entretenu alors que personne n’est sensé y habiter (contradiction numéro 2), elle y rencontre un être bizarre, pas vraiment humain de prime abord, dangereux (ça peut faire penser à un serial killer), avec un teint pâle de zombie, et elle l’amène chez elle ? Ah bon ? Je veux bien qu’on se montre compatissant parfois, mais là c’est quand même assez fort de café. En plus il ne parle pas, et forcément, en parfaite colporteuse de cosmétiques, elle lui propose de lui arranger le visage (gratuitement au passage), visage qui ne changera que très peu tout au long du film. Le délire (quand même assez prononcé) continue lorsque leur fille rentre de sa sortie dans son van avec ses amis. Elle rentre dans sa chambre, se prépare pour dormir, sous l’œil attentif d’Edward (assez comique ce passage), forcément, elle remarque dans son miroir ce même personnage tout pâle avec des lames acérées à la place des mains, et a la réaction que sa mère aurait du avoir avant : Elle crie et s’enfuit. On arrive quand même à l’engueuler et de l’obliger à s’excuser alors que n’importe qui aurait réagi de la sorte : « Surprise, on a mis un monstre dans ton lit à eau (qui est sensé être vidé vu qu’Edward l’a percé, ce n’est pas une peluche qui va contenir la fuite), tu dois faire avec ». Bref, je veux bien accepter la différence, mais là, il y va un peu fort Tim Burton !
                Il se trouve qu’à part cela, Edward manie ses mains à cisailles avec une précision d’orfèvre, et c’est d’ailleurs ainsi qu’il arrive à se rendre utile et à ne pas rester un monstre toute sa vie. Il en faut peu pour faire accepter à toute la population l’existence d’une création à ciseaux. Il n’est même pas vraiment humain finalement vu qu’il n’a pas de parents biologiques. Heureusement qu’il fait la déco, que les femmes du quartier sont passionnées par les êtres étranges (ah bon…) et qu’il fait aussi la coiffure, alors que la sienne restera moyenne tout le long du film. Peg n’est même pas arrivé à soigner son visage pour le rendre plus présentable ! Non mais franchement, je n’arrive toujours pas à comprendre comment il a pu être accepté aussi facilement !

                La réponse est qu’il fascine. Oui il est étrange, oui il est effrayant, mais il est aussi attachant, et ce regard triste qu’il porte à tout le monde n’est pas étranger à son succès. Et c’est là toute la beauté du film, cette mélancolie qui l'habite. La découverte du monde par quelqu’un qui est toujours resté enfermé dans son monde à lui. Il a vu son père mourir, il a vu ses mains chaque jours dans son miroir, ce qui lui a valu ces belles cicatrices. Point positif, on sait comment il a pu survivre tout ce temps, car on suppose que n’étant pas humain, il n’a pas besoin de nourriture, de repos, de tout ce qui est considéré comme vital pour un être humain. De même, il ne vieillit pas, donc définitivement, ce n’est pas un humain. Mais il se trouve qu’il est tout de même doué d’une conscience, et ceci, malgré le fait qu’il n’ait pas l’air d’être biologique, vu qu’il ne vieillit pas, est finalement la chose la plus difficile à réaliser. Oui, son esprit est assez limité car il n’a pas pu tout apprendre de la vie, mais il garde des réactions bien proches de ses congénères, et ça rend le personnage très intéressant. Il est aussi doué de sentiment, car on observe à travers le film son amour à l’égard de la fille de Peg, Kim. Un esprit gardé inconscient de toutes les affres de la vie, innocent par rapport à tous les vices humains, son inventeur de père lui a apporté des qualités. Mais c’est en voyant qu’il éprouve de la jalousie envers le petit ami de Kim qu’on comprend rapidement que la nature humaine le rattrape bien vite, et c’est à ce moment là que l’on comprend que même si biologiquement parlant, il n’en est rien, il est vraiment doué d’une conscience. Oui il se comporte comme un nouveau-né à l’égard du monde qui l’entoure, mais il venait de vivre un long enfermement. Il éprouve aussi de la colère suite à l’affaire du cambriolage, de l’incompréhension par rapport au sexe que lui propose une de ses voisines. Il avait un esprit pur qui a été ensuite mis en contact avec l'esprit perverti des humains. Puis il réalise cette statue à l’effigie de Kim, qui commence vraiment à éprouver des sentiments pour cet être pourtant si différent. Scène de toute beauté sentimentale, coupée par l’arrivée du trouble-fête qui avait conduit Edward à cambrioler une maison avec des motivations très peu orthodoxes, si je puis dire. Et à partir de là, c’est la descente aux enfers, Edward manifeste son incompréhension par rapport à ce monde si cruel à travers sa colère. Ce n’est même plus son handicap au niveau des mains qui pose problème à ce moment là, mais plutôt son esprit qui a été gardé intact de toutes imperfections pendant tout le temps qu’il a passé à réfléchir sur son existence seul dans sa maison. Et même nous, en tant que spectateurs, nous sommes outragées par l’ignominie de l’humanité présente dans le film. La voisine qui prétend qu’Edward a voulu la violer alors que c’était plutôt le contraire, la population qui pense que c’est un monstre depuis le piège que lui a tendu le petit ami de Kim, ce sentiment renforcé alors qu’Edward sauve « son petit frère », mais en le blessant involontairement à cause de ses rasoirs. On a envie d’hurler pour sa défense, lui qui n’arrive pas à s’exprimer, car s’il y a bien une chose que son inventeur à oublié de lui transmettre, c’est à quel point les hommes peuvent être cruels. Et pourtant, seuls sa famille adoptive (et encore, à la fin il n’y a plus que Peg et Kim (qui est amoureuse de lui)), et le policier ont pu faire preuve de ce qu’on qualifie à tort d’humanité. Oui le policier, qui fera tout pour éloigner sans l'éliminer cet être sensible de ces monstres qui ne veulent que brûler la différence.
                In fine, Edward tuera l’ancien petit ami de Kim sans le faire exprès, mais c’est tant mieux, il fallait punir ce niais de sa témérité (oui, je prends le film à cœur). Kim ne fera pas l’égoïste et choisira de préserver la vie d’Edward au prix de son « amour » (qui n’était peut-être que de la pitié chez Peg). De toutes manières, j’ai envie de dire que leur histoire était impossible, se marier avec un être quasi immortel, ce n’est vrai que dans le Seigneur des Anneaux où cette immortalité peut être annulée. 

                Un film qui commence un peu à vieillir certes, mais qui n'en reste pas moins très intéressant dans son genre. Tim Burton reste un très bon réalisateur qui arrive à faire passer des messages plus ou moins subtilement, même si la forme peut en dérouter plus d'un ! Et si j'ai dit l'essentiel qui me passait par l'esprit, je pense qu'il y a beaucoup de choses que je n'ai pas exploitées à leur juste titre, n'hésitez pas à y réfléchir de votre côté, car c'est intéressant ! Peut-être aurez vous envie de revoir le film, surtout que vous avez du le voir il y longtemps vu sa date de sortie.

                 Comme je l'ai dit dans mon analyse précédente, c'était le dernier article de l'année, je n'aurais pas vraiment le temps de rédiger autre chose pour les deux week-ends à venir, mais il y aura quelque chose dans trois semaines, c'est certain, et ce quelque chose, c'est la provenance de l'image qui sert d'en-tête à mon blog ! Vous comprendrez donc qu'il faut du temps pour en parler. Je vous dis donc à bientôt, et vous souhaite de bonnes fêtes !

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