Article 19 : Le prestige



Film : Le prestige

Réalisateur : Christopher Nolan              
Catégorie : Fantastique, Drame
Possibilité : Vu que c’est du pseudo-historique, avec un élément irréel, je vous laisse deviner la réponse.
Note : 10/10, vraiment excellent, et vraiment aucune incohérences si on exclu l'élément fantastique.

                Quoique vous ayez fait avant, vous devez regarder ce film une première ou une nouvelle fois avant de lire ce qui va suivre. Bon, si vous vous en souvenez suffisamment, vous êtes exceptionnellement exemptés de cette tâche !

                Nolan devrait être répertorié comme un genre à part. Très sérieusement, les sujets ont beau être à chaque fois extrêmement différents, contrairement à un Tarantino qui traitera essentiellement les Westerns, on reconnaîtra toujours ce réalisateur. Alors c’est toujours plus ou moins de la SF, mais si on parle du Prestige, d’Inception et d’Interstellar (l’analyse de ce dernier devrait arriver, elle a été interrompue par le visionnage du film actuellement analysé ^^), on a à chaque fois une société différente, une époque différente, et un monde différent. Et encore je n’ai pas vu Memento qui semble traiter le thème de la mémoire (c’est maintenant fait, et il est vraiment à regarder, même si je n’ai pas été autant transporté que pour celui-ci)… Bref, ce point commun si important, c’est cette sensation de chamboulement de l’esprit quand on finit le film. Inception, c’est simplement un lavage de cerveau, Interstellar, la preuve d’une imagination débordante associée aux limites physiques, et le Prestige, c’est la sensation d’avoir été l’esclave d’un film pendant plus de deux heures, d’avoir été complètement manipulé et mené en bateau, comme dans un tour de magie…
                Recentrons nous sur ce chef-d’œuvre. Comme je viens de le dire, le Prestige est un tour de magie. Du début de la fin. Les 10 dernières minutes sont remplies de vérité absolument impossible à dénier, à commencer par celle-ci : Quand l’ingénieur nous dit que le public ne veut pas voir la vérité lors d’un tour de magie. Impossible de dire qu’il a tort, très sérieusement. Il n’était pas difficile de deviner à partir du moment où on comprend le fonctionnement de la machine de Tesla, le déroulement du tour d’Angier. Le chapeau reste à sa place, mais est dédoublé à un endroit semi-aléatoire, néanmoins fixé. Alors pourquoi ça ne ferait pas la même chose avec le magicien qui l’utilise. Et pourtant, je me suis demandé si c’était seulement parce que j’étais fatigué au moment où j’ai revu le film, ou si la plupart des gens n’avaient pas non plus pensé aux conséquences de cette utilisation : en y repensant, il était évident que si Angier avait déposé son pistolet avant de tester pour la première fois la machine, c’était pour assurer le coup lorsqu’il allait devoir tuer le double qui resterait au centre de la création de Tesla. Mais je n’ai pas compris cela lorsque j’ai vu la scène coupée au moment où on allait voir ce qui allait réellement se passer, ça ne m’est apparu évident qu’au moment où la scène a été montrée en entier à la fin.
                Voilà la meilleure explication aux dires de Cutter. Peut-être qu’inconsciemment, mon cerveau ne voulait pas savoir qu’Angier allait devoir tuer son double pour mener à bien son projet, au point qu’il ne l’a pas compris. Et de pire en pire, alors qu’un peu avant cette révélation finale, Cutter lui reproche implicitement de laisser mourir ses doubles en revenant sur cette description de la mort par noyade, je pensais qu’il parlait simplement d’une seule doublure utilisée par le magicien qui avait du être noyée, ou alors de Borden qui allait être pendu. Bref, même avec ça, on ne se rend pas forcément compte quelles conséquences ces paroles entraînent. Il faut dire que quelques dizaines de minutes avant, l’explication de la scène de début (là où on voit un Angier se noyer) était pour moi un suicide. La machine ne fonctionnant pas réellement, il avait mis sa vie en jeu pour faire accuser Borden, qui serait exécuté pour un tel acte. Il faisait fonctionner normalement le tour, jusqu’à ce qu’il soit sûr que la curiosité de son ennemi soit trop grande. Mais bon, on se rend bien vite compte que ça n’a pas vraiment d’intérêt, la vengeance n’est pas agréable si on n’est plus en vie pour en récolter les fruits, même si comme je le dis plus tard, rien ne nous prouve que c’est le même Angier qui a sa revanche.

                Et puis après on peut encore parler du tour de Borden justement, où là on s’en veut quand même moins de ne pas avoir compris, c’était plus difficile. Mais alors que le spectacle d’Angier repose sur un élément fantastique (au sens irréel), le sien est faisable. Un vrai jumeau, un investissement à vie, cette partie là du film est à mon avis celle qui a le plus d’intérêt. D’un point de vue logique et étonnant, elle rejoint le niveau de l’histoire d’Angier, d’un point de vue émotionnel, elle le surpasse totalement. En effet, le but d’Angier est une banale vengeance, une volonté entraînée par la mort de sa femme, due aux actions de Borden.
                Pour en revenir au sujet principal de ce paragraphe, il y avait beaucoup de moyens qui nous permettaient de comprendre que quelque chose d’étrange se produisait au niveau de la personnalité de cet autre magicien, et de l’attachement qu’il avait pour Fallon. Sa femme livrait le premier indice, et on comprend instantanément pourquoi, alors que le « truc » de Borden est révélé, elle n’arrêtait pas de dire que certains jours, le « je t’aime » est faux, alors que d’autres il est vrai. De plus, la réaction de Borden à son suicide est complètement passée sous silence, parce que si elle avait été réalisée, on aurait tout de suite compris. Le deuxième indice provient du fait que Borden tient énormément à Fallon, au point de donner quelque chose de « très important » (pas tant que ça au final) à son rival. Alors que c’est simplement parce qu’il ne peut plus faire son spectacle sans Fallon. Mais plus l’intrigue avance, plus les indices se font nombreux et pleins de sens : Lorsque Borden va dire à Fallon que ce sera à lui d’amener sa fille au Zoo alors qu’on comprend bien qu’elle n’acceptera que son père. Un autre est lorsque Fallon se fait engueuler par Borden parce qu’il n’a pas réussi à trouver comment Angier faisait son homme transporté, alors qu’à la scène où on voyait la représentation en question, c’était Borden qui y assistait… Encore un lorsqu’on voit Fallon embrasser la fille de Borden. Et le plus évident alors que Borden en prison s’excuse auprès de Fallon pour la mort de Sarah.
                Le plus amusant est que, malgré tout ces indices, un peu moins oppressants et mis en valeur que pour Angier tout de même, on ne déduit rien. Encore par rapport à ce qui est dit comme « morale » au début et à la fin du film…

                Et donc dans une optique plus émotionnelle, la fin du film nous fait immédiatement basculer du côté de Borden. Comment ont-ils tous les deux pu vivre comme cela, on ressent d’un coup toute la frustration qu’ils ont du éprouver : Ils étaient les seuls à connaître ce tour, même leur famille n’en savait absolument rien. Le dilemme que ça a du poser lorsque l’un était amoureux de Sarah, tandis que l’autre commençait à avoir des vues sur Olivia. La dispute qui avait du éclater lors du suicide de la femme de l’un. Et ils étaient pourtant pieds et poings liés, ne pouvaient pas faire apparaître tout cela en public. Je ressens d’ici la frustration qu’ils ont avaient dû tous deux percevoir. Et alors que l’un va mourir pendu, et que l’on comprend, ça en devient plus fort que nous, qu’il va quand même s’en sortir par on ne sait quel moyen, et que ça se produit presque. On reste heureux à la fin que le père puisse retrouver sa fille, malgré tous les morts laissés derrière cette histoire…  Alors que pendant tout le reste du film on a tendance à avoir un parti prit pour Angier, car clairement, voir l’être qu’on aime succomber à une mort par noyade (qui doit infliger bien des souffrances) devant ses propres yeux, c’est dur. Encore plus lorsque l’on est impuissant. Encore plus quand on sait que ça pourrait être la faute de quelqu’un d’autre.
                Par contre, ses méthodes sont révoltantes, et il est difficile d’éprouver de l’empathie pour quelqu’un qui inflige à ses lui-même la même torture qu’a subi sa femme. Comme le disait Tesla, la simple utilisation de la machine à double est immorale, dans la mesure où pour rester unique et pour n’inquiéter personne, il faut tuer la personne en trop. Là où il y a un certain paradoxe, c’est que vu qu’a chaque fois que la machine est utilisée, elle produit un exact double du sujet. Et alors qu’Angier dit que son sacrifice consistait en la peur permanente d’’incarner celui qui se noie, comme s’il pouvait être l’un ou l’autre, et pas les deux en même temps, alors que ça reste la même personne. C’est assez difficile à concevoir, mais quand on y réfléchit un peu plus, au final, celui qui survit ne pourra pas vraiment savoir si il a une chance ou pas d’être celui destiné à la noyade, vu qu’à chaque fois, celui qui meurt ne peut pas témoigner de son expérience. L’esprit ne peut – à mon sens – pas se dédoubler, et à chaque fois, le deuxième Angier a pour esprit un copié-collé de l’original, sans être exactement le même. Et c’est aussi une des raisons qui fait que notre cœur bascule lors de la première utilisation de la création de Tesla, vu qu’on a aucune preuve que ce soit le « vrai » Angier, malgré la conservation exacte de caractère, de souvenirs, et surtout de désir de vengeance. Si j’avais été lui, j’aurais emprisonné mon double dans une cage ne permettant aucune sortie, puis j’aurais un peu parlé avec lui, et j’en aurais fini mais de manière plus douce. Alors évidemment, pendant le spectacle ça ne marcherait pas, mais une simple prison insonore aurait fait l’affaire. Prendre le risque de mourir noyé pour que ce soit quelqu’un d’autre qui réalise la vengeance, c’est totalement fou… Car s’il y a une chance sur deux pour faire le prestige, et une chance sur deux pour mourir dans d’atroces souffrances, il ne fait aucun doute qu’il soit quasiment impossible que le premier Angier soit le dernier. C’est mieux qu’ils meurent tous au final. Il n’y a plus d’autres questions à se poser. Et voir un père revoir sa fille, c’est bien mieux comme « Happy end », d’ailleurs heureux hasard que ce soit le bon Borden qui ait pu survivre.

                Bref, je ne m’étendrai pas plus là-dessus bien que tout ne soit pas dit. Pour conclure, je dirai que ce film est excellent non pas seulement parce qu’on ne s’ennuie pas pendant les deux heures du film, mais parce qu’en plus ça nous laisse un peu rêveur quand on y repense après. Et puis surtout, c’est fou comme, même en sachant pertinemment la sorte de morale au début du film, on ne la comprenne réellement qu’à la fin. On ne veut pas voir la vérité. Et si ça s’applique pour les tours de magie notamment, il est facile de raccorder cela au monde réel, car la vérité peut parfois être tellement insupportable, qu’on préfèrera se mentir à soi-même plutôt que de l’affronter.

               

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