Article 36 : L'Attaque des Titans

Anime : L'Attaque des Titans


Scénariste (adaptation) : Yasuko Kobayashi

Scénariste (original) : Hajime Isayama

On continue donc ce tour d’horizon de la culture japonaise en s’intéressant, après les films et les visual novel, à un anime. 

Je précise par ailleurs que j’ai regardé très peu d’anime de manière générale (je me suis arrêté à Death Note). Probablement parce que le style ne m’intéresse pas toujours, le surjeu des personnages pouvant être trop marqué. Le genre veut qu’on mette en scène des personnalités tombant dans le caricatural, très versées dans un extrême, il s’agit de l’aspect qui me rebute le plus. 

Mais après m’être mis dans l’état d’esprit avec une poignée de Visual Novel (principalement l’excellent Steins;Gate qui va se voir dédier un article assez fourni d’ici fin juillet), et suite aux conseils de m’y intéresser de la part de plusieurs personnes, j’ai donc commencé l’Attaque des Titans ou Shingeki no Kyojin sans m’attendre à quelque chose de particulièrement transcendant. Le fait que les deux premières saisons soient disponibles sur Netflix a un peu joué je dois l’avouer.

Et finalement, le rendu est plutôt intéressant, avec notamment pas mal de sous-textes plutôt bien amenés. Je le conseillerai donc sans souci à quelqu'un qui ne serait pas spécialement attiré par le genre. Les spoilers sur les trois premières saisons s’enchaînent à la suite de ces lignes donc ne poursuivez pas si vous aviez prévu de regarder l’anime. Il vaut très certainement le coup, surtout qu’il doit se finir sur sa quatrième saison, ce qui ne laisse pas présager des épisodes à la pelle qui vous enchaînent à un scénario des années durant…


Avis général


Avant de passer à plusieurs sujets traités par la série, je souhaitais donner un avis personnel dessus puisqu’elle m’a finalement beaucoup plu. Des scènes de flash-back pas trop intrusives (contrairement à ce que certains avis relatent), une psychologie de personnages certes, pas trop complexe, on y reviendra, mais un minimum justifiée, et un scénario qui se tient tout en proposant une bonne mise en haleine du spectateur. Le tout agrémenté comme je le disais de quelques sous-textes sympas, d’un côté vaguement philosophique, on se dit pourquoi pas. On rajoute une bonne dose de violence, très crue, très graphique, ça donne un cocktail pas désagréable.

Car oui, niveau sang on est bien servi, et certains personnages disparaissent en un claquement de doigt alors qu’on avait à peine eu le temps de s’attacher à eux. En ce point, c’est plutôt réaliste puisque cela rappelle que la menace que représente les Titans s’affranchit de toute pitié. Je pense à la première escouade d’Eren lors de l’attaque dans la ville, et du bataillon d’exploration d’élite qui se fait littéralement détruire par Annie. Ces deux passages reflètent vraiment la violence qui y règne, et honnêtement c’est plutôt bien fait. On a même le temps de s’attacher un chouïa à ces personnages qui se font ensuite massacrer, ce qui laisse bien le sentiment que tout peut se passer et que chaque épisode peut surprendre.

Le système de combat imaginé par l’auteur pour venir à bout des Titans est plutôt réussi. Là-dessus il n’y a pas grand-chose à dire. Cela permet des scènes de bataille jouissive à suivre, des mouvements précis avec chaque tranche de cou extraite qui font vraiment plaisir (parce qu’on a vu à quel point ces Titans étaient capables d’horreurs). Le système se tient même s’il reste peu réaliste sur certains aspects, pas au point d’être dérangeant en tout cas.

Le problème que je vois de manière plus ciblée, au-delà du scénario et de l’univers, c’est peut-être le développement des personnages, qui stagnent un peu trop en surface parfois. Tout ne peut pas se justifier par les évènements passés relatés par les flash-backs. Des choses changent avec la fin de la saison 3, notamment vis-à-vis d’Eren qui prend finalement son shot de maturité, mais ça ne suffit pas ; ce point reste pour moi la faiblesse du récit.

Probablement car trop de clichés viennent ternir le profil des personnages comme Mikasa, la froide tueuse à la classe indéniable, mais dont les lignes de dialogues se réduisent bien trop souvent à « Eren ». Et pourtant c’est mon personnage préféré, c’est rare qu’un rôle majeur féminin soit décrit comme une guerrière sans états d’âme, on peut donc déplorer qu’elle se définisse par rapport à un homme… On peut évoquer Armin qui à part peut-être l’apparence a tout de l’intello de service, de Jean qui fait figure de pseudo-antagoniste mais sympa au fond, ou même de Conny le personnage tertiaire typiquement inutile et j’en passe. La tentative de background pour Sasha aussi... Il faut  plutôt chercher des profils tels que celui de Livaï, ou même ceux d’Hansi et Erwin dans une certaine mesure pour trouver davantage de profondeur, peut-être est-ce expliqué par leur âge, vu qu’on suit des enfants le reste du temps pendant trois saisons. J’apprends d'ailleurs en saison 3 qu’Eren n’a que 15 ans (c’est raté du coup pour l’identification aux personnages, je suis déjà trop vieux pour regarder des anime…).

Ce personnage principal a indéniablement un côté très fatiguant pour ses cinquante-cinq premiers épisodes, dans le rôle du jeune téméraire dont la seule particularité est cette facette particulièrement sanguinaire qui le poussera notamment à tuer deux personnes à l’arme blanche pour protéger une inconnue à moins de dix ans. Jeune inconnue qui lui sera éternellement reconnaissante, sans que lui en ait quoi que ce soit à faire. Soit, pourquoi pas. Cela permet de faire briller d'autres personnages plus matures, Livaï en tête.

C’est vraiment le point noir de l’animé, mais cela ne m’a pas empêché de suivre l’histoire avec beaucoup de plaisir. La saison 3, par ses révélations était intéressante mais je me suis rendu compte que j’étais assez attaché au plot développé dans les deux premières saisons, finalement assez classique et bien fonctionnel. J’avoue ne pas être entièrement convaincu de la direction qui va être prise pour la saison 4. Certes, cela explique beaucoup de choses, et c’est très bien amené, mais j’ai vraiment peur qu’on tombe dans le syndrome de ces scénarios young adult que sont Hunger Games, Divergente voire (si vraiment on insiste) Maze Runner, où dès que l’on dévie trop de l’idée originelle finalement l’écriture finit par manquer de maturité pour traiter son réel sujet. Je garde espoir parce que c’est une autre culture, mais j’ai un peu peur. Peur aussi parce que l’univers de base me convenait bien et constituait déjà un beau terrain de jeu pour y développer un scénario plutôt solide, en y injectant des personnages travaillés. Edit : après avoir vu le trailer de la S4, ces doutes commencent à s'effacer.

Globalement c’est un manque d’émotion qui porte atteinte à l’anime de mon côté. Là où la fin de la saison 2 nous laissait un beau cliffhanger sur le pouvoir de l’Axe possédé par Eren (j’étais à fond dans l’histoire à ce moment-là), avec une scène hors du temps entre ce dernier et Mikasa, la fin de la saison 3, en ouverture totale, n’est pas très émotive. Pas de morts qui sortent du lot, un plot un peu casse-gueule qui s’annonce et pas de séquences émotives autres que la découverte de la mer, ce qui a pour effet de me laisser un arrière-goût salé dans la bouche.


Un peu plus en profondeur


L’Attaque des Titans s’inscrit dans un cadre qui s’apparente à de la fantasy, dans son sous-genre de dark-fantasy si l’on en croit la définition de cette dernière : ambiance sombre, proche de l’apocalypse avec des héros souvent mis dos au mur. Cette définition s’adresse davantage à la psychologie baignant le récit qu’aux codes à imposer. Ici, je pense qu’on peut s’accorder sur le fait que l’Attaque des Titans, présentant une humanité acculée, à bout de force face à cette menace inexorable que sont les titans, s’inscrit dans un tel genre. Après, c’est quand même une fantasy qui, fin de saison 3 oblige, s’ancre dans un univers simili-réaliste, et son écho à des sujets tels que le traitement réservé aux juifs dans l’Allemagne nazie (je ne sais pas si on peut voir ce passage sur la jeunesse du père d'Eren autrement) lui donne des airs de science-fiction historique, si tant est que cet oxymore existe.

L’animé voit plusieurs thèmes se succéder : le rapport vis-à-vis de l’armée, la façon dont cette dernière est dépeinte, le principe de la société au mérite, la religion, et le rapport à la peur entre autres. La troisième saison va faire combattre par son dénouement plusieurs type de morales, mettant en première ligne dans le rang des « mauvaises » morales la ségrégation. Cela pour justifier probablement le bain de sang qui va avoir lieu en saison 4 lorsque les Eldiens iront s’en prendre au peuple de Mahr. La sympathie des Titans n’est toutefois pas encore chose sûre, et le scénario se dirige probablement vers cet axe-là : vaut-il mieux sacrifier un peuple dont le potentiel peut mettre en danger le monde entier ou bien tout faire pour leur permettre de vivre ?

C’est intéressant parce que toute la morale de l’animé a déjà reposé dans cette question avant même qu’on en vienne au temps des révélations. Inlassablement, le jeune Armin qui commente avec ses pensées que la vraie force d’un meneur comme Erwin était de savoir quand sacrifier qui pour le bien commun. Tout repose là-dessus : des centaines, des milliers de soldats sont sacrifiés pour que la population vive. Alors pourquoi pas généraliser le processus, et conclure que sacrifier un peuple entier pour sauver l’ensemble des humains ne serait pas préférable ? Probablement parce qu’il y a une possibilité de faire autrement, là où le bataillon d’exploration n’a jamais vraiment eu le choix. Quoique sacrifier Eren aurait peut-être permis de résoudre tout leurs problèmes.

Le choix de l’utilité n’est pas toujours respecté par ailleurs, c’est ce qu’on voit lorsqu’il s’agit de décider si Armin ou Erwin va survivre, pour finalement se laisser aller à l’émotion et choisir Armin. Honnêtement, ça se justifie, et les réactions disproportionnées de ceux qui apprennent le choix sans y avoir vraiment assisté sont représentatives de leur ignorance. On a vu Armin se rendre utile, et on a vu Erwin se laisser mourir. Après, quoi qu’il en soit, c’est sûr que dans la lignée de l’idée du sacrifice de certains pour sauver d’autres, il aurait fallu laisser Armin mourir. Peut-être que cette première entorse à la règle sera à l’image du final ? Où l’émotion prévaudra sur la logique, mettant un terme à cette guerre éternelle qui sévit dans nos esprits… et dans le monde des titans.

Un autre sujet intéressant, c’est le rapport à la peur. Il m’apparaît comme le plus cinglant et frappant, notamment lorsqu’on est confronté aux premiers épisodes de la série ; la mère du personnage principale ne décède pas simplement, on la voit se faire broyer et manger par une forme humanoïde de quinze mètres. Clairement, ça choque, c’est visuel, et quand on voit les soldats se battre face à ces Titans pour la première fois, on partage cet effroi. On en vient à se demander comme il est possible de se résoudre à se battre face à un pareil cauchemar.

Là où le débat s’est posé pour les films de guerre entre humains, ici la raison est plutôt bonne : la survie de l’espèce semble entièrement reposer sur la présence de combattants qui donneront leur vie dans le combat. Est-ce que la perspective de se faire dévorer vif par un titan contre lequel on est totalement impuissant est plus effrayante que celle de se faire bombarder sans aucune possibilité de fuir ? Peut-être pas, mais se faire bouffer par des êtres humanoïdes, voire même le simple fait de se faire bouffer est probablement une des morts les plus effrayantes sur un plan psychologique, tout simplement parce cela vous laisse le temps de réaliser ce qu’il se passe.

C’est donc intéressant de voir à quel point la compagnie peut-être déterminée face à une menace aussi imposante, et à l’image du fait que l’humanité, lorsqu’elle ne combat pas son prochain mais se ligue contre un ennemi commun, peut être capable d’une grande force qu’elle tire de sa communauté.

Alors finalement, la morale va être que c’est bien l’homme qui reste le pire ennemi, mais avant cette information, il était admirable de voir à quel point chaque soldat était déterminé à sauver les leurs en se sacrifiant au combat. Le principe de l’armée est également développé, lorsqu’il est question de ne servir qu’une fois de temps en temps : cent ans de paix où les militaires ne servaient à rien, qui donne lieu à une période où tous ces militaires sont soudainement face à leur choix et leurs responsabilités. L’armée, c’est un peu comme une assurance : c'est peu utile la plupart du temps, mais on est content de l’avoir quand la vie de l’humanité est en péril.

On pourrait aussi parler de ce paradoxe, qui fait que les recrues les plus talentueuses peuvent éviter de combattre là où elles seraient le plus utile puisque leur vie prend plus de « valeur ». Il y a également tout le côté religieux, dirigé par la famille Reiss, cachant la vérité à ses habitants pour leur bien, sans qu’on sache vraiment si cette situation est désirable ou non. Eh oui, une fois que l’on découvre que quelque chose nous est caché, on se démène corps et âme pour comprendre ce que c’est sans se soucier des conséquences. L’ignorance, même si préférable, ne fera jamais le poids face à la connaissance, même si destructrice.

Avant de conclure, ce serait dommage de ne pas toucher deux mots sur l’idée ô combien importante mise en avant dans cet anime : cette allergie aux chaînes, cette soif de liberté, qui sera toujours la motivation d’au moins quelques personnes. Briser l’inconnu, repousser les limites et ne pas vouloir être encagé. Si vous avez vu l’OAV dédié à Livaï (je vous conseille les deux épisodes correspondants qui se trouvent facilement sur le net), le thème apparaît encore plus clairement.

Pourtant, malgré cette facette qui le dépeint comme épris de liberté, il semblerait que l’homme ait également un penchant contraire : celui de se murer face aux possibilités, de trouver toujours plus de moyens, que ce soit via la religion ou même l’organisation de la société dans laquelle il évolue, pour lutter contre cette peur de l’inconnu. L’homme n’est d’ailleurs que contradictions ; il cherche la nouveauté mais aime se complaire dans la stabilité. Il vise la liberté mais s’effraie de l’inconnu. Et ce sans qu’aucune solution ne soit objectivement bonne ou mauvaise, puisque les deux faces de ces concepts duaux peuvent lui convenir. D’ailleurs, Mikasa et Eren sont un bon exemple d’opposition sur ce plan, là où Mikasa préfèrerait une vie moins risquée (cf OAV Lost in the cruel world), et donc plus heureuse de son point de vue, Eren donnera tout pour ne pas être entravé dans sa volonté, quel qu’en soit le coût. Chacun sa manière de trouver son bonheur donc.

Probablement que la morale est plus simple qu’il n’y paraît, malgré ce paradoxe apparent : ceux qui font le choix de s’interdire des libertés ne devraient pas pouvoir imposer cette vision à ceux qui souhaitent briser leurs fers, et vice-versa ; l’immensité de l’inconnu ne doit pas être défendue comme un idéal partagé par tous. On tiendrait presque la véritable opposition, en termes de morale, entre la gauche et la droite en politique…

Je diverge… Bonne soirée !

 


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