Article 41 : Alice in Borderland

Scénariste : Shinsuke Sato

Adapté de : Asõ Haro 

Genre : Science-fiction - Thriller


Disclaimer : Cet article est bordélique, à l'image de la série ! Spoilers ahead.

Alors.

Il fallait que je parle de cette série, tout simplement parce que c’est le genre de scénario que j’aspire à voir bien marcher. On a d’énormes vibes Battle Royale ici, que ce soit au niveau de l’acting (quoi qu’un peu meilleur ici), des personnages, mais surtout des mises en situation.

Ce genre, davantage shônen (comprendre, destiné aux adolescents) que thriller d’anticipation, présente des qualités indéniables qui se retrouvent toutefois souvent noyées dans des situations absurdes. On va y venir. Mais dans un premier temps, n’en étant pas à mon coup d’essai dans ce plongeon dans la culture nippone, on peut donner en vrac une flopées de codes du genre suivis par la série :

Une situation enveloppée d’un mystère latent (la disparition), un concept de base destiné à tenir en haleine (les jeux), des personnages secondaires introduits puis sacrifiés (épisode 3), des flashback destinés à créer de l’empathie pour un personnage en un temps éclair (régulièrement), un plot-twist changement de sexe (3ème fois que j’en vois un, je vous assure que c’est un classique), des personnalités caricaturales (je vais pas les lister, mais il y en a pléthores), et du cliffhanger de fin de saison venant avec sa révélation, et sa relance.

Quand j’ai écrit Cobayes, qui peut se classer dans un style similaire quoi qu’à l’origine destiné à un public plus adulte, j’avoue que j’ai repris un bon nombre de ces codes plus ou moins volontairement puisqu’à l’époque ma culture des médias japonais se limitait à Miyazaki et Battle Royale.

Plus le temps passe, plus j’ai la sensation que certains de ces codes fonctionnent plutôt bien, notamment ces flashbacks très courts mais finalement efficaces. D’autres s’insèrent convenablement dans le fil de l’histoire et participent à la renforcer. Quelques uns, enfin, posent problème. Principalement ces faux-semblants de progressisme, où on nous présente une héroïne sportive et à l’encontre des codes pour nous amener dans une fiesta permanente où semblent régner la beauferie et le sexisme. Après, on est dans un shônen donc ce n’est pas surprenant de voir qu’une boîte de nuit permanente se soit installée dans ce monde étrange, mais j’avoue, j'aurais aimé qu'on ait une prise en main de ce style tout autant appréciable d’un point de vue plus adulte. J'en rêve, vraiment.

Enfin bref. Laissons couler ces sujets pour nous focaliser sur ce que la série a à offrir.

J’ai binge-watché Alice in Borderland, j’avoue. Parce qu’encore une fois, j’adore les fictions qui mettent en scène des expériences humaines. Pas parce que je suis un psychopathe, mais plutôt parce qu’elles sont intéressantes du point de vue moral. Et puis, faire entrevoir la possibilité de la perte de certains êtres peut aider à faire comprendre à quel point il est important de prendre soin de ses relations, voire que rien n'est éternel. 

Pour ce qui est des jeux (et donc du concept porteur), le côté des quatre couleurs pour chaque type d’épreuve est bien trouvé, reste le fait que certains épisodes font voir des sessions bien plus intéressantes que d’autres.

Le premier épisode me pose problème plus parce que la façon dont il est résolu fait, pour le coup, très Deus Ex machina. On peut s’imaginer se sortir de la situation, quoique faire le rapprochement entre une BMW et la taille de la pièce pour comprendre qu’il faille tourner en rond, c’est une sacrée histoire. Pas que ce soit infaisable, mais le cheminement pour arriver à la conclusion me semble plus que capillotracté. Le second est assez efficace, et a le mérite d’introduire la deuxième partie de la série. Le troisième est peut-être le meilleur, les réactions sont plausibles, le déroulé réaliste, et la conclusion affreuse. La scène où Arisu cherche à ôter son casque fait croire à une alternative, dont on ne saura jamais vraiment si elle pouvait être la solution. Le quatrième est habile, quoi que plutôt prévisible, tant j’avais cette même question en tête depuis le début sur la nature de ce « but ». Mais on pourrait tout à fait comprendre qu’avant d’avoir vu l’inscription sur le bus, on se mettrait en quête du but en faisant évoluer le score.

Habile mais peu réaliste quand on voit Arisu qui fait demi tour en courant avec une moto en à peine plus de temps qu’il ne lui en a fallu pour parcourir la distance à l’aller. Soit. Perso mon souffle n’aurait pas tenu, et j’ai beau ne pas vraiment faire de sport, ce personnage est encore pire ! Mais j’ai envie de dire que cela fait partie des codes. Je regrette juste que ça n'ait pas été rendu plus plausible là où ça n'aurait pas été trop difficile. 

Peu de points négatifs dans ces quatre premiers épisodes, hormis le personnage de Chibuki, qui couche avec un adolescent rencontré le jour même pour des raisons qui m’échappent (fan service, je ne vois que ça), et dont la psychologie est un délire total. Là encore, des écarts assez typiques sur lesquels j’ai appris à soupirer calmement avant de passer à la suite.

Puis arrive la plage.

On retrouve les personnages introduits lors de l’épisode 2 notamment, et une ambiance complètement décalée avec un tas de personnes dont les agissements me semblent hors de propos en une telle situation. Ils portent une confiance aveugle en un type totalement aléatoire, entouré de quatre personnes beaucoup moins déjantées et beaucoup plus froide, le tout protégé par un groupe de musclés armés bien barjos qui menacent à tout moment de fumer tout le monde.

La série prend un tournant extrêmement osé à partir de ce moment. Et pour moi… ça dérape un peu. Les psychologies sont moins plausibles, introduire autant de fanatiques d’un coup… dans un environnement aussi détendu et jeune… Je parlais des clichés des personnages, autant je pensais qu’on s’en était débarrassé à l’épisode 3, mais là, c’est bien plus marqué. Et c’est dommage, parce que le matériel est là, le concept est là, l’idée trône telle un diamant brut en quête de son tailleur. La culture japonaise nous amène d’ailleurs souvent ce diamant, lorsqu’en occident on tend toujours à ciseler la pierre au point qu’il ne reste pas toujours quelque chose de précieux en son cœur. Mais souvent, on peut y voir des errements dans certains clichés trop souvent utilisés, et certaines situations qui en deviennent trop peu convaincantes, voire inenvisageables.

L’épisode 5 en est un bon exemple. Déroulé d'une soudaine (et improbable) montée en hiérarchie d'Arisu, tout juste arrivé à la Plage, qui reçoit un traitement complètement incongru. Il est « testé » avec l’énigme la plus connue du monde (ah vraiment, j’ai vu l’ampoule j’ai pris ma tête dans mes mains), et qui assiste au conseil pourtant censé être prestigieux. Et encore, si c'était le seul souci : il y a tellement de monde dans cette plage qu’on se demande pourquoi les personnages n’en ont pas croisé avant, pourquoi n’ont-ils pas entendu les voitures envahir la ville ? On met tout le monde en maillot, en arrosant le tout d’un peu de sexe parce que pourquoi pas, et là on comprend qu’on est vraiment dans un shônen qui nous fait passer la pilule en nous gavant d'un wtf total.

C’est un peu dommage, mais là encore, passons. Arrive l’épisode 6 avec la mort du Boss ô combien prévisible et arrivant pile poil pour nous donner une péripétie. Clairement, le timing est beau, et cela me fait croire qu’on m’expliquera qu’Arisu a un rôle particulier dans le fonctionnement de ce « pays ». Enfin j’espère, parce que trop d’éléments scénaristiques extérieurs semblent tourner autour de lui. L'épisode se clôt donc sur un cliffhanger, plutôt bien trouvé, et nous voilà déjà à l’épisode 7. 

On reprend le fil avec un grand nettoyage de cette situation d’impasse pour le scénario, de toutes façons, si vous connaissez le style vous savez que les rassemblements sont une idée suicidaire dans de telles situations (cf le phare dans Battle Royale). Une chasse à la sorcière sous le signe du dix de cœur, ou plutôt un génocide orchestré par ce cher Aguni. On comprend bien vite, sans l’aide des personnages, que la sorcière est déjà morte, et rapidement après qu’il s’agit de la victime elle-même. Un cas d’école qu’on peut notamment voir dans Danganronpa. Mais bon, le déroulé est intéressant, et nécessaire : il fallait que cette situation s’arrête, vraiment. À noter également cette sous-intrigue qui sort un peu de nulle part avec Kuina et son adversaire tatoué, qui me laisse quelque peu hébété tant je me pose encore la question du pourquoi du comment c’est arrivé là.

Bref, le fou totalitaire a droit à sa séquence de flash-back comme rédemption émouvante – peu crédible – en allant tuer le dégénéré de service qui a survécu à une attaque au lance-flamme combinée à une chute non contrôlée de bien vingt mètres – peu crédible – puis la sorcière est finalement brûlée.

Ouf. Arc narratif suivant peut-être ?

Le reste sert donc à annoncer la deuxième saison avec notamment les jeux pour les figures, et en dévoilant la grande méchante, qui, même si on peut s’accorder sur le fait qu’il y avait eu quelques indices avant (« trop bien les jeux de cœur ! »), sort un peu de nulle part. Un nécessaire lâcher prise en termes d’informations sur les dealer (questions en suspens depuis l’épisode 2) relativement efficace, et une mise à disposition d’une batterie de personnages qui nous feront sûrement don d’une mort déchirante dans la suite de la série. Je pense à Ann et au nouveau pote d’Arisu et Usagi notamment, ainsi que de ce duo ultra smart et bien dans l’ère du temps, comprendre cliché, que forment Chishiya et Kuina.

 

Mais oui, j’avoue j’ai bien aimé, parce que le concept, l’âme est intéressante. Parce qu’au-delà du traitement plutôt bancal donné à un bon paquet de situations, aux relents de série B, le mystère sous-jacent reste immaculé, et le système de jeu sera conservé. Cela annonce une suite qui ne semble pas inintéressante. À ce sujet, pour reprendre une franchise occidentale, Hunger Games tombait pour ses suites dans la facilité en s’appesantissant sur un scénario politique là où c’était l’idée relative à son jeu qui était passionnante. Le premier livre est incroyable, le reste « ok-tier ».

Le rêve de faire de ce style un scénario béton reste intact, et de mon côté je ne m’arrêterai pas à Cobayes dans mes tentatives. Le problème de l’origine nippone est souvent le cadre (le jeu d’acteur pas terrible aussi, mais c’est plus les situations improbables dans lesquelles sont les personnages qui pose problème), là où celui de l’origine américaine ou même européenne réside dans son classicisme bien trop aseptisé. L’un ose, profondément dans le monde des idées, et s’affranchit trop vite de certains piliers qui forment une histoire, là où l’autre sculpte l’idéal, mais vient à oublier la portée et le but de son œuvre. Enfin parfois, hein, chaque culture a produit ses pépites, évidemment. 

 

 


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