Article 15 : Virgin suicides


Film : Virgin suicides



Réalisateur : Sofia Coppola
Genre : Sorte de fiction réaliste (oui ça n’existe pas ^^).
Possibilité : Oui, je pense que ça l’est, c’est d’ailleurs bien dommageable
Note : 10/10
               
                J’aimerais au passage revenir sur le système de notation, car j’ai eu des remarques comme quoi tel film est meilleur que d’autres. En fait, non seulement je note de façon personnelle, mais en plus, pour moi, un bon film doit jouer sur nos émotions, doit réellement nous marquer ; nous faire réfléchir, nous trotter dans la tête longtemps après son visionnage. C’est pour cela qu’un film d’action sera beaucoup plus difficilement excellent selon moi qu’un film avec sûrement moins de budget, mais avec plus de scènes intéressantes d’un point de vue intellectuel. J’aime bien les films d’actions, mais j’adore les films qui sont du genre de celui que je vais analyser. La voilà la différence. Et c’est ce qui explique qu’un film un peu moins connu mérite selon moi une meilleure note qu’un Matrix (qui malgré les questions soulevées, reste un film d’action).


                Bref, passons au vif du sujet. Un film auquel je mets 10/10. La Première fois que j’attribue cette note sans passer par des détours comme quoi il y a des incohérences, des étrangetés, etc… Non, de un le jeu d’acteur est excellent, de deux le scénario l’est aussi, de trois la façon de filmer est très intéressante, de quatre la musique correspond parfaitement au film. Après, il y a une chose qui pourrait pêcher : la lenteur. Selon moi, elle fait partie du film et l’amène à être excellent, par contre, cela ne plaira pas à certains, c’est sûr. C’est pour ça que les avis sont souvent partagés, bien qu’on reste dans du positif en général (c’est aussi ce qui montre que ce film est bon). Plus concrètement, c’est le genre du film où on est un peu sonné à la fin, mais qui présente aussi la particularité d’être étrangement décalé de notre univers, on entre vraiment dans un autre monde. Si encore 12 years a slave m’avait sonné, il m’avait laissé sur des rêveries réelles (l’esclavage). Ici c’est étrange, on ne comprend pas vraiment pourquoi ça fait cet effet là. Et c’est cela qui en fait un film encore plus beau.

                Si vous avez regardé le film, vous voyez pourquoi je parle de ce sentiment d’incompréhension. Cinq belles jeunes femmes (selon moi le suicide requière déjà une certaine maturité, d’où le fait que je ne parle pas d’adolescentes), qui vont se donner la mort avant d’avoir pu goûter à quelconque plaisir de la vie. Le poison de cette mort commence à se répandre avec la tentative de suicide de Cecilia. Sûrement trop mature et intelligente pour comprendre un quelconque intérêt à la vie terne et monotone dont-elle bénéficie. Lorsqu’elle répond au médecin qu’il ne sait pas ce que c’est que d’être une fille de treize ans, on a l’impression qu’elle porte déjà tous les malheurs du monde à son si jeune âge. Bien sûr, ses parents sont choqués et commencent à remettre en doute leur éducation. Entre un père passionné par la science n’ayant pas l’air d’éprouver quelconque véritable intérêt pour ses filles, et une mère bien trop protectrice qui ne supporte pas l’éloignement avec ses poussins, il y a de quoi avoir peur. La religion y joue un rôle plus que majeur. Le sexe n’est pas non plus prohibé mais reste un tabou naturel. Il est vrai qu’imaginer sa fille être dans les mains d’un étranger est vraiment difficile pour une mère. Néanmoins, si tout se passe comme prévu, cela finit par être accepté malgré certaines réticences, et tout rentre dans l’ordre. Ici, la mère n’accepte pas cela, et se clôture dans sa religion afin de se justifier, de justifier des actes impardonnables. Rien que la vision de la chambre de Cécilia (Christ sur la croix, autres symboles religieux) donne la chair de poule sur la simple idée de la façon dont elle est éduquée. Finalement, une fête sera organisée dans la cave, afin de motiver Cecilia et de lui redonner foi en la vie, à défaut de la foi en Dieu qu’elle a déjà du perdre il y a bien longtemps. Ses sœurs sont heureuses : Il faut dire que ce genre d’évènement est très rare pour elles. Lux notamment, y prend beaucoup de plaisir. De nature aguicheuse, peut-on y voir une façon de noyer ses soucis en explorant de nouveaux horizons ? Dans le regard des autres sœurs, on a tout de même du mal à trouver quelconque joie, car elles, acceptent moins de se mentir à elles-mêmes que Lux. Bref, les garçons tentent néanmoins de les motiver, car ils savent qu’une telle occasion ne se représentera pas de sitôt. Bien leur en fait vu la suite des évènements. Arrive ensuite un handicapé mental qui se présente à Cecilia. Les moqueries des autres à son égard, même celles des sœurs de Cecilia achèveront la frustration de cette dernière qui choisira de se retirer dans sa chambre pour évidemment se suicider (pas besoin d’être devin pour le deviner, je me demande toujours comment les parents ont pu être aussi aveugles). La découverte de son corps empalé par Mr Lisbon achèvera la fête, tout le monde partira rapidement, sauf les quatre sœurs Lisbon restantes, sous le choc, bien évidemment. On voit dans la scène du cimetière que le suicide d’une fille de 13 ans réussira à convaincre les employés de faire une exception à leur grève. Il faut dire ce qui est, c’est dans un premier temps horrible pour la famille certes, mais on peut aussi se poser de sérieuses questions par rapport aux actes des parents qui auront réussis à pousser une de leur fille au suicide. On a les remarques des voisins pour vérifier cela.

            Plus tard, tout semblera rentrer dans l’ordre. La vie étudiante reprend son cours normal pour les sœurs Lisbon. On y découvre principalement une Lux radieuse (Lux = Lumière en latin, et ça colle particulièrement bien au personnage), qui semble ne porter que très peu de séquelles du suicide de sa sœur. Je pense personnellement qu’elle continue à noyer son chagrin dans des plaisirs qui lui sont acquis plutôt facilement. Les autres sœurs ne changent pas vraiment et sont toujours aussi réservées. L’arrivée de Trip bouleversera un peu les habitudes de Lux qui trouvera enfin quelqu’un à qui s’identifier, quelqu’un qui pourrait éponger sa souffrance. Ce dernier restera subjugué par le mystère qui émane de cette fille, en plus de sa beauté, et il la désirera. Afin de convaincre les parents de laisser leur fille partir dans un bal, il trouve 3 autres cavaliers pour Therese, Mary et Bonnie. Ces dernières, bien que peu emballées au départ vu qu’elles savaient pertinemment que tout cela était pour Lux, finissent tout de même par bien s’amuser, car l’occasion est trop rare. Néanmoins, Thérèse elle n’acceptera pas de se laisser faire face à l’alcool + baiser langoureux servi à Lux par Trip. Rien que le fait qu’elle ait essayé est étonnant. Mais la solitude qu’elle a vécu toute sa vie ne la poussera pas jusqu’à accepter d’embrasser un parfait inconnu. C’est ce qui diffère toutes les sœurs Lisbon de Lux. Après la fête, cette dernière s’adonnera à un nouveau plaisir inconnu pour elle qu’est le sexe, rendant par la même occasion le titre du film obsolète. Bien sûr, Trip, après cela, finit par ne plus avoir une once de désir envers Lux, et décide de l’abandonner au sein du terrain. Une désillusion qui sera un coup de massue pour Lux, qui n’a pas du comprendre un seul instant ce qui lui arrivait. Peut-on seulement lui en vouloir pour cela ? La traiter de p*** ? Si le film n’a pas été compris, oui, on peut. Mais comprenez quelle doit être la souffrance accumulée après 14 ans de vie dans une maison complètement fermée à toutes relations extra-familiales ! Au moins, Lux, contrairement à ses sœurs, aura connu un aspect de plus de la vie, bien qu’il se solde par le goût amer de la déception face à l’abandon de Trip. La réaction des parents, enfin, de la mère Lisbon, est plus que catégorique. Plus de sortie, pas même pour aller au lycée. J’appelle ça de la paranoïa et de l’abus de pouvoir personnellement. Encore, privé de sortie, ça passe. Privé de lycée, ça en devient presque comique ! L’être humain a besoin de relation sociale pour vivre, et il faut qu’elles soient variées. On sait tous que la famille, c’est bien, mais ce n’est pas tout non plus. Bref, le calvaire que vont endurer les sœurs Lisbon ne leurs feront pas du bien, au contraire. Voir Lux sombrer dans la débauche la plus totale en couchant avec des inconnus sur le toit fait mal au cœur. Pourquoi fait-elle ça ? Pour crier à Dieu son indignation la plus totale ? Ou alors seulement pour en tirer quelques doses de plaisir. Je m’en tiendrais plus à la première explication personnellement, après ce qu’elle vient de vivre avec Trip. Bien sûr, leur confinement dans la maison fait naître des ragots tout autour d’eux, et aussi du désir par rapport aux adolescents qui les suivent depuis le début, car tout ce qui est inaccessible n’en est que plus désirable.

            On voit aussi la mère, qui n’en a cure de la dureté de sa punition, brûler les disques de musique de sa fille, rendant à toutes les sœurs Lisbon comme seule distraction la lecture de publicités. Priver quelqu’un de toute musique est un acte ajoutant encore plus de cruauté à l’interdiction de vie sociale, car la musique a ce pouvoir euphorisant d’évasion. Et c’est à partir de là que le suicide des sœurs me semble inéluctable. Nous n’avons pas besoin de plus de raisons, de plus de détails sur leur vie. Imaginez vous seulement privés de tout, avec pour seule compagnie des personnes que certes vous appréciez, mais que vous connaissez par cœur. En huis-clos. Pour toujours. Agréable perspective n’est ce pas ? Et impossible d’appeler le père à a rescousse pour se libérer des griffes de l’affreuse mère : Celui-là est complètement fou et impuissant par rapport à ce qui se passe dans sa propre maison. En état de soumission extrême face à la puissance maternelle. Bref, la fin se déroule avec une lueur d’espoir : La tentative d’échappée des sœurs Lisbon avec leurs jeunes voisins qui leur communiquaient de la musique pendant leur calvaire. Le fait d’y voir une Lux seule, en train de fumer, le regard vide suffit à nous convaincre du suicide des autres. Les garçons, restant pleins d’espoirs quant aux perspectives imaginables, entrent tout guillerets dans la cave, pensant déjà aux quatre blondes dans leurs bras. Bonnie est pendue, ils trébuchent sur le corps de Therese bourrée de somnifères, ne voient pas Mary essayant de se brûler avec le four, et courent le plus vite possible loin de cette maison maudite. Lux s’est-elle suicidée en inhalant du monoxyde de carbone qui devait émaner de la voiture, sa lumière s’éteignant avec elle… Plus tard, le témoignage de la mère dira qu’elle a donné beaucoup d’amour à ses filles et qu’elle ne comprenait pas leur acte. Sauf que comme dirait ce cher Jacques Lacan : « L'amour, c'est offrir à quelqu'un qui n'en veut pas quelque chose que l'on n'a pas. » C’est exactement ce qui s’est produit avec Mrs Lisbon. Elle ne leur a pas donné de l’amour, mais seulement des souffrances, et ses filles n’en voulaient plus justement de toutes ces souffrances. Son pur égoïsme l’a mené à vivre la mort de ses filles en direct. Une personne, un être humain en tant que tel n’appartient à personne, ni à un quelconque maître comme on l’a vu pour l’esclavage, ni à sa mère ! Cette dernière ne peut pas arriver jusqu’à détruire votre vie impunément. Bon, il y a des limites hein, parce que il y a bien des adolescents qui pensent que leur parents sont « horribles, me laissent rien faire, blablabla » alors que c’est nécessaire. Non, là, c’est à des années lumières de ça pour les Lisbon, en aucun cas comparable. Je crois vraiment que Mrs Lisbon pensait bien faire en cloîtrant ses filles à une vie terne, elle pensait les protéger, les aider. Or il est impossible de savoir si ce que l’on fait est bénéfique ou non. C’est là qu’elle s’est trompée, dans son dogme finalement. Le fait d’être ultra-croyante ne pouvait pas l’aider à faire la part des choses, hélas, et n’est pas innocent par rapport à cette tragédie grecque. Je pourrais encore parler de ça pendant longtemps, mais il y a trop de choses à dire.

            Pour finir rapidement, il est vrai qu’on pourrait pu penser que les sœurs Lisbon auraient pu s’évader avec leurs bienfaiteurs. Sauf qu’ils n’étaient pas vraiment des bienfaiteurs. Rien que la remarque d’un des voisins alors qu’ils allaient découvrir le corps pendu, qui disait qu’il aimerait bien « en peloter une » me fait douter par rapport aux prévisions des garçons. Le monde dans lequel vivent les Lisbon est très loin du monde réel, car leur mère ne leur a rien apprit par rapport à la réalité. C’est comme si on lâchait des chiens domestiques en pleine nature : Leur premier réflexe va être de retrouver leur maître, alors qu’ils étaient destinés à vivre en pleine nature. L’éducation est un poids absolument non négligeable dans la construction d’une personne, et là, elle ne permettait pas aux sœurs Lisbon d’affronter un monde qui ne les comprenait pas, et qu’elles ne comprenaient pas. L’apprentissage aurait été trop long et trop difficile. Et elles étaient complètement dos au mur, aucune échappatoire ne s’offrant à elles autre que le suicide. Peut-être sont elles mieux dans la mort que dans la vie, mais ça, c’est une autre histoire (au passage je ne défends pas le suicide, qui reste un acte injustifiable, la vie valant pour moi toujours le coup, quelques soient les difficultés rencontrées. On peut comprendre les raisons des sœurs Lisbon, mais pas plus.)


            Voilà, n’oubliez pas de profiter pleinement de cet article pour dire à votre mère que vous l’aimez, et qu’heureusement qu’elle n’est pas comme l’affreuse Mrs Lisbon ! En plus, c’est aujourd’hui la fête des mères donc ça tombe étrangement bien... A croire qu'on aurait fait exprès... J’espère que vous avez apprécié cet article, parce que moi j’ai particulièrement aimé l’écrire en tout cas. Ce film est juste génial, et encore je n’ai pas assez parlé de la musique qui, je le redis, sied parfaitement au film dans l’atmosphère. C’est d’ailleurs parce que j’écoutais l’album éponyme d’Air que j’ai voulu regarder le film. Bon, en tout cas, il n’est pas excessivement joyeux, c’est le cas de le dire, mais personnellement, c’est ce que je préfère dans les films. D’où sa note, aussi justifiée par la qualité des acteurs, des plans, des décors, du scénario, etc… Petit regret néanmoins sur Lux, qui fait plus 16 ans que 14 ans (l'actrice a 17 ans au tournage je crois), mais bon, on ne peut pas tout avoir ! En tout cas, dans deux semaines, c’est bien Snowpiercer qui sera analysé. Ce sera d’ailleurs sûrement la dernière analyse avant un peu de temps, à cause du bac qui va finir par arriver, puis les vacances. Enfin, je vous en reparlerai !

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