Article 22 : Je vais bien ne t'en fais pas

Film : Je vais bien ne t’en fais pas


Réalisateur : Philippe Lioret
Genre : Drame
Appréciation : Right in the feels

                « Je vais bien ne t’en fais pas », la meilleure manière pour qu’on s’inquiète pour la personne qui vous dit ça. Ce film est un bijou du cinéma français (eh oui, ça existe !), et qui représente toute la beauté de ce dernier, qu’on peine à retrouver tant le genre de la comédie évince tout le reste. Assez lent, très contemplatif, ça me rappelle un peu le rythme pris dans Virgin suicides, et c’est probablement pour cela que j’ai beaucoup aimé ce film.

                Le sujet touche. Si vous n’êtes pas enfant unique, il est difficile de ne pas penser à l’amour que l’on peut porter à ses frères et sœurs, qui est bien singulier, et hélas impossible à retrouver chez un ami, quoi que l’on en dise (n’en déplaise à certains !). Cela ressort d’ailleurs avec une flagrance d’autant plus prononcée que l’héroïne, Lily (interprétée par Mélanie Laurent, brillante dans ce rôle), finit par tomber amoureuse d’un de ses amis. On est poussé à différencier justement ces trois formes d’amours dépeintes dans le film, toutes les trois très touchantes au moment où elles apparaissent dans le film : l’amitié de Léa, qui ira se lever à trois heures du matin pour ensuite tenter de secourir Elise de l’hôpital psychiatrique, l’amour de Thomas, qui évoluera tout au long du film pour finalement exploser au moment où Elise aura finalement fait son deuil. Enfin, l’amour de la famille : le cœur du film réside ainsi dans la famille. On voit une mère dévastée par la mort de son fils, mais aussi par le mensonge honteux qu’elle cultive avec son mari, et qui la dévore peu à peu, un père torturé par ses actes passés, ou un frère qui sans paraître une seule fois à l’écran qui semble présent tout le temps, au point de causer à Lily une déprime mortelle. Mais si les parents sont rongés par le regret, ils ont infligé une torture qui n’avait pas lieu d’être à leur fille.
                D’ailleurs, et c’est là un point assez intéressant dans ce film, notre vision des parents ne cesse de varier. D’abord, on est interloqué par ce refus inexplicable du père quant à des explications. Pourquoi celui-ci ne veut rien dire alors que son fils l’insulte continûment dans ses lettres. Son mal-être éclate au grand jour alors qu’il avoue à sa fille dans la voiture qu’il s’en veut, en utilisant des mots bien précis. Son fils lui manque. Puis on découvre que les lettres, c’est lui qui les écrit, et donc qu’il s’insulte lui-même, il se traite de père minable, car il pense qu’il en est un. Il laisse sa fille lire ces insultes parce qu’il veut inconsciemment se sentir mal. On ne le découvre du coup que vers la fin du film, mais sa détresse est immense, et ses accès de colère bien trop justifiés pour qu’on lui en veuille à cause de ça. Et pourtant, juste avant la scène finale, on le trouve bien dévoué d’avoir permis à sa fille de se relever, d’espérer, de ne pas savoir justement, et de pouvoir entretenir cette idée comme quoi son frère serait en vie.

                J’avoue que, si sa mort ne m’étonne pas, je ne m’attendais pas à qu’elle ait eu lieue aussi tôt. Et lorsque les parents s’expliquent sur cette chute à l’escalade, on est aussi avide d’explication que Thomas. Puis comme lui, on est en proie à l’incompréhension. Car si écrire de fausses lettres est compréhensible, pour entretenir la flamme, cacher jusqu’à la mort de Loïc à leur fille depuis le début, c’est une décision extrêmement contestable. N’aurait-elle pas accepté plus facilement cette mort que ce départ exempt d’explications ? N’est-il pas plus difficile d’être confronté à une perte lorsque cette dernière peut nous faire croire que nous puissions en être la raison, qu’une mort certes regrettable et douloureuse à accepter, mais au moins claire et nette ? Mon avis est que ce twist, bien que génial dans le sens du film, ne peut pas représenter la réalité puisque je ne vois pas quels bénéfices ce mensonge énorme  a pu apporter à Elise. Peut-être que les parents voulaient se mentir à eux-mêmes, et eux-aussi croire à cette fugue, en s’inventant cette vie imaginaire pour leur fils.
                La disparition de son frère est en effet vécu comme un calvaire pour Elise, qui ira jusqu’à se laisser mourir justement parce qu’elle s’est sentie délaissée par une personne en qui elle avait confiance. Car elle avait raison, si son frère avait réellement fugué, il lui aurait écrit. La désillusion qu’elle ressent avec le temps passant sans apporter de nouvelles est d’une violence inouïe et montre à quel point le psychologique peut prendre une ampleur démesurée. On notera au passage la critique adressée aux professionnels de ce domaine, car on se sent aussi floué que le père d’Elise quand on dit à celui-ci que la « thérapie » n’autorise pas leur fille à voir quiconque. Comme si on pouvait soigner un chagrin d’amour porté au centuple par la solitude. Mais bon, après tout ils ont des diplômes pour ce métier, pas nous, et il est très probable que c’ait été très caricaturé !

                Le véritable avantage du film est de nous plonger dans le point de vue interne de la jeune femme en nous permettant de nous y identifier très facilement malgré toutes les différences présentes. Par exemple on se sent insulté lorsqu’à la fête du nouvel an, Elise se fait aborder par une autre personne qui sous-entend de façon clairement peu discrète que c’est ridicule pour une jeune femme de vingt ans de ne pas faire d’études et d’être caissière. Sauf qu’il est tout aussi ridicule de juger une personne sur un fait présent sans connaître son passé, et c’est hélas devenu très commun de nos jours d’agir ainsi. Et c’est pareil pour tout ce que j’ai dit avant, on vit l’histoire, et c’est ce qui fait de ce film un succès, car on ressent réellement les émotions qui sont montrées dans le film.
                Le tout porté par une BO marquante essentiellement grâce au titre « Lily », qui s’insère parfaitement bien dans l’ambiance que le film cherche à créer, ponctué d’une histoire d’amour certes prévisible mais bien amenée. Car cette dernière aurait pu vraiment paraître trop facile si je puis dire. Après, ce n’est pas réaliste ! N’oublions pas que Thomas a deux relations dans le film, toutes deux issues de la friendzone !


                   J’arrête de plaisanter, et clôt cette courte analyse sur un beau film, certes plus axé sur les sentiments que sur la réflexion. J'espère que ça vous aura plu, pour ceux qui auront tout lu, et j'espère aussi  pouvoir réécrire à nouveau sur un nouveau film / une nouvelle série dans pas trop longtemps, en sachant que j'ai un nombre assez conséquent de choses à faire en ce moment !

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