Article 23 : Batman : The Dark Knight

Film : Batman ; The Dark Knight


Réalisateur : Christopher Nolan
Genre : Action / Drame
Appréciation : Très noir, mais vraiment intéressant

J’avoue que je ne pensais pas, pour reprendre vraiment ce thème de réflexions qui est à la base du blog tout de même, m’attaquer à un film de super-héros. Bon, vous aurez compris que j’aime beaucoup Christopher Nolan, car ce réalisateur arrive toujours à faire passer des messages dans ses films. Et The Dark Knight porte peut-être le plus pessimiste d’entre eux, si on met à part quelques éléments évidemment destinés à nous redonner espoir. Comme d’habitude, visionnez le film avant de lire ceci !

N’y allons pas par quatre chemins, le Joker n’y est pas pour rien. J’avais entendu beaucoup de bruit par rapport à cette performance de  Heath Ledger, tous ces mêmes sur internet avec ce visage doté d’un maquillage coulant, ces cicatrices sur les joue, ce regard insistant. Une légende s’est créée, d’autant plus que l’acteur est mort peu de temps après la sortie du film, suite à une overdose de médicaments, dont des antidépresseurs. Il n’y a qu’un pas pour faire le lien entre l’état de l’esprit de l’acteur et le personnage qu’il incarne. Car si on l’a trouvé si bon dans son rôle, c’est probablement parce qu’il s’accordait avec quelques idées de ce personnage déjanté et pourtant lucide qu’est le Joker. Plus le jeu d’acteur est bon, plus le personnage ressemble à celui qui le joue. Il n’y a qu’à voir le Truman Show pour voir cette idée colportée par le créateur de cette téléréalité à la morale discutable, qui ressasse encore et encore que le succès de son show est dû au fait que l’acteur ne sait même pas qu’il en est un, qu’il joue sa propre vie. Pour revenir à The Dark Knight, le film entier repose sur ce méchant aux idées pessimistes mais, malgré tout, réalistes. Même si ça ne fait pas tout le film, et que je ne voudrai pas enlever à Batman et à Double-face leur apport non négligeable au film bien évidemment.
Pour revenir plus précisément sur le film, le Joker nous propose une réflexion assez rapidement dans le film. « Why so serious ? ». En effet, pourquoi tout le monde prend-il tout cela (comprendre la vie) autant au sérieux alors qu’elle apporte en grande partie des difficultés si on se centre trop sur certains de ses aspects. Plus vous penserez à quelque chose, plus vous l’attendrez, plus elle vous stressera, et plus vous serez déçus. Et cela s’applique à à peu près n’importe quoi. Nous, les spectateurs, prenons des habitudes presque futiles, tout cela pour traverser une vie dénuée de sens qui n’aura pas apporté grand-chose. On se sera décarcassé pour survivre sans penser à nous, tout met la pression dans le monde actuelle, mais toutes ces sources proviennent de la société. Car ce film propose bien une critique de notre société, Gotham n’étant qu’un New York métaphorisé, occupée en grande partie par des hors-la-loi. L’univers est tellement noir qu’il est difficile d’y trouver de l’espoir. D’ailleurs, Bruce Wayne se rattache pendant tout le film à l’amour possible avec Rachel Daws, cette source d’espoir lui est arrachée par le Joker qui s’en amusera en l’assujettissant à une expérience psychologique, comme il en fait plusieurs dans le film. Mais parlons de celle-ci pour commencer.
En effet, le Joker propose un choix à Batman, homme qu’il estime beaucoup, en lui proposant le choix entre la femme qu’il aime, et le procureur de la ville qui est présenté comme le chevalier blanc, car mettant beaucoup de criminels en prison, et fiancé de Rachel par la même occasion. Batman choisira assez rapidement de sauver la femme qu'il aime en dépit du procureur, la séquence est d’ailleurs passée assez rapidement alors qu’il y avait pas mal de choses à dire là-dessus, le choix n’étant pas si évident que ça. Mais en voulant sauver Rachel, Batman effectue au final le mauvais choix, car il tombera en fait sur Harvey (à cause du Joker qui a interverti les indices), et ce dernier sortira défiguré et meurtri par cette épreuve, s’ensuivra une métamorphose en Double-face, un méchant assez intéressant dont je reparlerai un peu plus tard. Si vous deviez choisir entre une femme que vous aimez, mais qui semble aimer l’autre personne que vous pouvez sauver, qui de plus est d’une importance capitale pour le monde entier, vous prendriez qui vous ? Batman laisse apparemment l'amour prévaloir sur la logique. Normal me direz-vous. 

Continuons sur ces choix, en parlant de celui qui est donné aux occupants des deux bateaux. Un rempli de personnes « normales » (si j’ose dire, je n’aime pas ce mot), et l’autre occupé par des hors-la-loi et quelques policiers. Les deux bateaux disposent d’une commande permettant l’explosion de l’autre. Si personne n’a appuyé avant minuit, tout explose. Si du côté des hors-la-loi on voit qu’ils ne sont pas très rassurés, forcément, leur perte pourrait paraître négligeable par rapport à celle des autres, leur réaction est peut-être la plus naturelle et émouvante, avec ce malfrat qui prend la commande des mains d’un des policiers, et la jette par-dessus bord sans plus hésiter. Cette réaction est compréhensible car il est plus facile de se sacrifier que d’avoir une centaine de morts innocents sur la conscience, et c’est ce que fait ce criminel, alors que ceux qui avaient le contrôle de la commande aurait pu avoir un sursaut de frayeur au dernier moment et faire le mauvais choix. De l’autre côté, je trouve la réaction plus discutable humainement. Tous ceux à bord du bateau avaient des raisons de paniquer et surtout de penser qu’ils valaient mieux que ceux sur l’autre bateau, malgré le fait que ce ne soit pas du tout le cas (après ça dépend du point de vue évidemment, c’est le but de la scène du film). Et surtout, il était plus facile pour eux d’agir de façon égoïste. Dans cette situation, je n’aurai pas été de ceux qui auraient refusé à tout prix de faire exploser les autres, surtout avec le fait de ne pas savoir si je vais mourir ou pas, et à quel moment. Bref, j’ai été étonné que même celui qui a une bonne tête d’être un homme d’affaire « important » (d’ailleurs, très caricaturé, ç’aurait pu être n’importe quelle personne tenant à la vie) n’ait pas commis l’irréparable. Mais peut-être qu’au dernier moment, l’idée comme quoi c’est lui, et lui seul qui aura été responsable d’autant de morts l’a empêché de céder à son envie perverse.
                Ce moment, où le Joker va réaliser que son plan n’a pas fonctionné, au point qu’il n’avait même pas prévu la commande pour exploser les deux bateaux à minuit, sera le seul où l’on pourra voir ce méchant désarçonné par la tournure des évènements. Car il se rendra compte que l’humanité n’est pas si mauvaise que ça au final. On peut cependant pardonner cet élan d’optimiste à la fin de ce film par le fait qu’il n’ait été question que de noirceur dans tout le reste de son déroulement, même si cela rend la fin du Joker un peu décevante. N’oublions pas que cela reste un Batman. Ce n’est pas plus mal que cela n’aille pas plus loin. Je ne parlerai pas plus du Joker, même si on pourrait en dire encore beaucoup, notamment avec ces deux allusions sur les histoires avec son père et sa femme, assez glauques, qui nous font voir à quel moment le Joker a vraiment succombé à la folie, bien que celle-ci reste étonnamment rationnelle.

                J’aimerai ajouter un mot sur cet aspect dont je parle assez souvent qu’est le fait de distiller l’information, par rapport à ce qu’on voudrait savoir ou pas. On retrouve cela deux fois dans le film, d’abord lorsqu’Alfred cache à Bruce la lettre de Rachel, qui, il est évident, aurait été difficile à encaisser pour lui, et lorsque Batman et Gordon, d’un commun accord, décideront de ne pas révéler à tout le monde qui était vraiment le chevalier blanc, en gardant cette image de sauveur, faisant de lui un symbole pour continuer à donner aux gens la volonté de se battre face au crime. J’en ai un peu déjà parlé dans mon article précédent, mais le problème avec ce genre de chose, notamment pour Alfred cachant à Bruce la vérité, c’est que d’une, cela empêche de tourner la page, et de surmonter une épreuve qui peut être par la suite assez formatrice. Après, c’est toujours difficile à dire cela d’un point de vue extérieur, et il y a de quoi débattre là-dessus (Vous avez une maladie qui va vous tuer forcément dans un an, mais elle va vous empêcher vraiment de vivre seulement deux semaines avant, est-ce que vous préférez qu’on vous le dise, et ainsi vivre votre année en sachant que ce sera la dernière, ou alors vous préférez qu’on vous laisse vivre cette dernière année sans le savoir ?). Pour moi, la réponse est simple, mais elle peut varier d’une personne à l’autre, peut-être que cela dépend des cas après tout, mais même si l’on cache des choses, il est rare que celles-ci n’en viennent pas à se faire savoir.

                Continuons sur ce qu’apporte le personnage de Double-face, le désespoir humain dans toute sa splendeur. Les criminels les plus dangereux sont ceux qui n’ont plus rien à perdre, et qui n’ont pas vraiment de but, cela se vérifie avec le Joker, mais aussi avec Double-face qui sera sauvé de la mort mais en même arraché de la vie alors que la femme qu’il aime explose. C’est souvent les méchants les plus intéressants d’ailleurs, il n’y a qu’à voir Seven pour le confirmer. La transformation physique du chevalier blanc ne fait qu’accroître le côté cruel et irréversible de la chose. Il perdra complètement les pédales en quête d’une vengeance qu’il sait lui-même vouée à l’échec. La vision des choses qu’il adopte est assez intéressante, car il trouve dans le chaos d’un lancer de pièce une manière fiable de régler tous ces problèmes d’injustices, bien qu’il manipule lui-même sa chance. J’ai d’ailleurs toujours trouvé ça intéressant, lorsqu’on veut faire un choix, et que trop tiraillé entre les deux solutions, on décide de jouer sa décision au hasard. Et au moment où la pièce tombe sur pile ou face, on se rend compte qu’on peut faire le choix sans se sentir contrôlé par ce hasard, et donc prendre telle ou telle voie indépendamment de ce que le hasard nous apporte. Ce simple fait de se sentir contrôlé par une force supérieure l’espace de quelques secondes nous permet de trouver la force de trancher. Pour Double-face, c’est un peu ça lorsqu’il relance encore et encore sa pièce jusqu’à ce qu’elle tombe sur le bon côté, sachant qu’il utilise aussi cela comme un moyen de pression psychologique, notamment la première fois qu’il lance sa pièce, pas encore noircie d’un côté par le feu, et donc ne disposant que de deux faces.

                Et pour clore tout cela, on a cette question, posée cette fois à travers toute la trilogie du complexe de Batman : vous sauvez des vies, vous servez le bien, et pourtant personne ne sait qui vous êtes, et ainsi vous ne tirez aucune reconnaissance de vos actes. Le désintéressement par excellence, et pourtant une voie qui semble torturer l’esprit de Batman, surtout qu'il ira même jusqu'à ternir son personnage en endossant les crimes perpétrés par Harvey Dent, permettant de garder l'image du procureur intacte, et d'en faire un martyre, Alors est-ce que l’on peut faire ce genre de chose sans en tirer les bons côtés, c’est tout de même difficile, d’ailleurs Bruce Wayne tient à mettre certaines personnes dont il est proche au courant pour ne pas passer sa vie à être pris pour un milliardaire égoïste. Ce qui est compréhensible, seriez-vous capable d’effectuer quelque chose de grandiose sans que personne ne soit au courant ? Au final, cela n’apporte rien, et il est bien normal de réaliser que tous nos actes ont pour sens d’impressionner les autres, car c’est la vision qu’ils ont de nous qui nous façonne.


                J’espère que cette analyse vous a plu, j’avoue m’être rendu compte que j’avais raté quelque chose en regardant ce film aussi tard, mais il est vraiment excellent, et même s’il est très noir, tout comme mon analyse sur certains points, cela lui permet de nous amener à quelques réflexions intéressantes, que l’on n’aurait pas s’il s’agissait d’un schéma basique de film de super-héros. 

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